L’ascète samouraï
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Il y’a des moments dans la vie où par un heureux hasard les planètes s’alignent, sublimant toute la beauté de l’univers. Ghost Dog a débarqué dans ma vie à une époque où j’adorais plus que tout les films de gangsta qui écoute du hip-hop sur leur low rider dans une attitude de mépris des lois et des conventions, et les films de samouraï qui découpent les méchants en rondelles à coup de katana. On comprendra donc que pendant un temps Ghost Dog fut mon film favori.
Quelle idée a eu Jim Jarmusch de mixer ces deux genres assez différents! Pourtant ce n’est pas si absurde. L’histoire d’un jeune homme qui tente de déjouer le destin tracé pour la majorité des gamins du ghetto, c’est en fait le pitch de tous les films de la culture hip-hop (Boyz in the Hood, Do the Right Thing). En revanche la manière d’y parvenir est ici très atypique. Le héros trouve son salut dans la philosophie asiatique, en particulier le code du Bushido, qui est en quelques sortes la bible des samouraï. Il abandonne son ancienne vie, dont on sait finalement peu, pour mettre son katana et toute sa personne au service de Louie, un mafieux qui lui a un jour sauvé la vie.
Celui qui se fait désormais appeler Ghost Dog vit sur le toit d’un immeuble, en compagnie de ses pigeons qui lui servent d’intermédiaire avec son maitre Louie. Il occupe ses journées à entrainer son corps au combat au sabre, et à entrainer son esprit grâce à la philosophie du Bushido. De temps en temps il exécute des contrats pour Louie, en éliminant des concurrents encombrant, ou en faisant payer un indic. Il aime aussi écouter le bon vieux rap de Public Enemy, N.W.A, ou Wu-Tang Clan, probablement un résidu de son ancienne vie.
Attardons-nous un peu sur le Wu-Tang Clan. C’est un groupe de rap américain actif depuis le début des années 1990, et dont le nom fait référence à une école de Kung-Fu. Un mélange des cultures qui n’est pas si rare et que l’on retrouve également chez Nas, ou le groupe français IAM (dont l’un des membres se nomme Shuriken). RZA, qui signe toutes les musques du Wu-Tang Clan, produit également la bande-son du film de Jarmusch, dont il deviendra un ami (au même titre qu’Iggy Pop) et apparaitra plus tard dans Coffee and Cigarettes.
Cette idée de mélanger culture hip-hop et film de sabre qui paraissait saugrenue ne l’est finalement pas tant que ça. Jarmusch s’est appuyé sur une réalité, l’intérêt d’une partie des jeunes de banlieues pour la culture asiatique. Il en profite donc pour mettre en valeur les jeunes du ghetto que beaucoup croit incultes et uniquement intéressés par l’argent. Pour cela il oppose un gang aux bandana rouge qui glande à un coin de rue et se moque de Ghost Dog quand il passe, à un gang au bandana bleu qui utilise le hip-hop pour exprimer leur colère et salue Ghost Dog pour l’exemple moral qu’il représente. Jim Jarmusch rend hommage à la culture hip-hop et lui offre un de ses plus beau film, à mettre à côté des meilleurs Spike Lee.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Le Ben 100, Les meilleurs films de gangsters, Les meilleurs films de Jim Jarmusch, Les meilleurs films de 1999 et Les meilleurs films des années 1990
Créée
le 11 déc. 2018
Critique lue 469 fois
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