Giordano Bruno était un héliocentriste post-Copernic mais pré-Galilée, et un panthéiste d’un petit siècle antérieur à Spinoza. Il fut pour ces deux deux raisons et quelques autres brûlé par la Sainte Inquisition romaine au Campo de Fiori où depuis la fin du XIXème les pigeons lui rendent hommage.


On s’attache vite à ce genre de personnage quand on a vingt ans, de ceux qui meurent pour des idées, tandis qu’on a si peu d’idées et tellement envie de mourir. A trente on se dit déjà un peu qu’il aurait sûrement mieux fait de s’en tenir aux lupanars qu’il ne maîtrisait pas mal non plus, et peut-être qu’à quarante on ne le prendra plus que pour un illuminé dangereux pour l’ordre public, allez savoir comment on vieillit. On ne l’espère pas.


Toujours est-il que c’est un philosophe plus sexy à étudier que Husserl et Heidegger, et assurément à filmer. Giuliano Montaldo n’y va d’ailleurs pas avec le dos de la cuillère, malgré une bonne âme wikipédiste qui nous assure que sa réalisation est sobre, j’y ai plutôt vu moi des zooms et dézooms à la limite du hors jeu, des caméras à l’épaule va savoir pourquoi et des changements de pellicule si j’en ai envie. Et cela passe assez bien, ce n’est pas toujours un mal de rouler un peu des mécaniques pour un film historique, c’est tellement mieux en tout cas que l’académisme facile et lourdingue.


A côté de ça, des décors et des costumes soignés, des seconds rôles concernés et pour certains épatants, une Charlotte Rampling qui n’est venue que pour se déshabiller, ce que je ne saurais lui reprocher, et un Morricone plutôt sobre, merci beaucoup. La pensée de Bruno est donnée de manière clairsemée et non-didactique, ce qui était la seule manière cinématographiquement pertinente de faire, et la fin du XVIème est parsemée des prostituées et déments qu’on s’attend à y trouver.


Gian Maria Volontè est quant à lui déjà rentré dans sa période forza PCI, il ne tourne plus que des sujets politiquement chargés, jouant au besoin le héros ou le salaud, toujours avec la même intensité et le même courage. On aurait par conséquent bien du mal à voir quelqu’un d’autre que lui pour incarner Giordano contre notre Sainte Mère l'Eglise, et après avoir vu le film, on aurait bien du mal à voir Bruno autrement que sous les traits de Volontè. Le charme inquiétant de l’acteur donne une puissance et une dignité à son personnage qui l’emmènent juste au-dessus de l’orgueil et juste au-dessous de la folie. On peut facilement parler de performance impressionnante, et pourtant il y laisse juste ce qu’il faut d’humanité et, partant, de crédibilité pour que cela n’en devienne pas outrancier.


Performance parfaite, donc, qui justifierait à elle seule le visionnage.

Duan

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