Il y a une réplique que j’ai envie de sortir pour l'occasion : la vie, c’est souvent comme une glace. Il faut profiter du plaisir qui se trouve sous nos yeux et notre nez mais ne pas la faire durer jusqu’à ce qu’il n’en reste rien.


Passé cette réflexion improvisée à l’honneur du titre de ce nouveau Shyamalan, j’aurais surement ris de façon moqueuse si on m’avait dis il y a 2 ans encore que j’attendrais de nouveau un de ses films. Et pourtant, Split a été une petite surprise du premier semestre de 2017 que je n’attendais pas. Un retour à un univers qu’il a façonné il y a presque 19 ans et qui lui a permis de retrouver à la fois la bizarrerie de ses premiers films et l’humanité qui arrivait à en sortir avec une bonne maîtrise de l’épouvante malgré des soucis de rythmes et d’écriture encore présent.


En toute logique, lorsqu’un auteur semble exercer un bon control sur un univers super-héroïque avec son propre approche et qu’il décide de poursuivre sa démarche avec une réunion, cela donne Glass sur le papier en espérant que cela ne fonde pas comme glace au soleil à l’écran. Est-ce que dans les faits la réunion entre Incassable et Split est réussie ? En partie j’ai envie de dire.


On peut difficilement émettre le gros reproche de ne pas avoir vu Split et Incassable, même si les connaître est un plus évident pour mieux s’imprégner de ce que tente Glass. Ce qui implique une petite limite au film en lui-même malgré ses rappels (la découverte des pouvoirs de David Dunn, les 24 personnalités de Kevin, le Q.I. hors norme d’Elijah Price), mais il a aussi un autre obstacle qui l’empêche d’aller aussi loin : c’est le rapport effectué sur le plan émotionnel avec Split et Incassable ainsi que le positionnement de ses figures héroïque/psychiatrique.


Je me faisais un plaisir de retrouver Samuel L. Jackson et Bruce Willis devant la caméra de Shyamalan, leurs performances m’ayant fait belle impression dans Incassable. Et si les deux acteurs ont de l’expérience, David Dunn est ironiquement le plus sous-exploité des trois personnages, sa situation familiale n’étant pas abordé passé les 20 premières minutes. Et Bruce Willis devient même très fade dans les deux derniers tiers tant il n’a pas grand-chose qui lui est accordé pour qu’il puisse tenir la barre. La seule façon trouvé par Shyamalan pour le faire vivre étant les séances avec le docteur Staple et les flash-back sur ce que l’on sait déjà autour du personnage. Tout ce qui touche donc à Dunn en devient prévisible et redondant, car déjà abordé le temps du premier film et n’arrivant ni à renouveler la vision du personnage ni à le faire évoluer.


Je pourrais faire en parti le même reproche autour du personnage d’Elijah Price, alias Mister Glass au chocolat


dont la révélation sur sa condition physique en tant que patient ne sera une surprise pour aucune personne un temps soit peu avertie.


Mais à cela près que Samuel L. Jackson renoue entièrement la grande éloquence de son personnage, sa philosophie comme quoi les comics sont une projection plus fantaisiste des exploits de la réalité et de l’être humain. Et il reste proche de la thématique même des 3 films de Shyamalan sur le positionnement humain d’individu qui sont pourtant à part que ça soit par le physique, la condition psychologique ou simplement par un don qu’ils n’ont originellement pas demandé. Mais il est aussi symbolique de pourquoi Manoj Night Shyamalan s’emmêle plus les pinceaux ici qu’avec Incassable ou Split, mais je vais y revenir.


Et dans le trio, celui qui s’en tire le plus c’est indéniablement James McAvoy et donc Kevin Wendell Crumb qui a le plus de saveur. Un criminel qui est d’abord victime avant d’être bourreau et dont les multiples personnalités sont très bien employées chaque fois que l’acteur s’inscrit dans le cadre : à la fois gamin immature, maternel, rigide ou encore touchant lorsque les éléments de Split comme son enfance et la présence de Casey sont mises à contribution, et le plus sensible à la thérapie psychiatrique des trois individus en font le fer de lance même du film.


Pourtant, on sent que Manoj Night Shyamalan veut mettre ce trio sur un pied d’égalité, sa façon de filmer étant pensé pour chacun d’eux et est techniquement très bien travaillé. Que ça soit la proximité des plans et du mouvement avec Dunn, les jeux de profondeur de champ que reprend le cinéaste indien sur Split, tout en restant fidèle à sa manière de filmer du premier film de cette trilogie. Sans oublier cet institut psychiatrique avec cette allure de gothisme voulant renouer avec la volonté de développer un huit-clos mais d’où commence à se manifester les limites de la démarche du réalisateur.


Vouloir remettre en question les capacités de Dunn, Kevin et Elijah en les conditionnant face à une psychiatre qui se veut rationnelle, et ainsi aborder différemment la question du rapport de l’individu face à la société est une idée intéressante surtout dans le contexte médicale et psychiatrique. Néanmoins, ça a du mal à pleinement captiver pendant le deuxième tiers du film pour deux raisons : d’abord le docteur Ellie Staple qui n’a pas de matière personnelle forte pour tenir sur ce deuxième tiers hormis son savoir faire professionnelle face au trois personnages précédemment cités (institut au personnel illogiquement réduit pour 3 individus pourtant considéré comme dangereux). Et la deuxième, j’y reviens justement, concerne l’approche sur le mixage réalité/fiction des comics et donc apporté par le personnage d’Elijah.


A force de sortir des rapprochements entre l’univers super-héroïque des BD et les actions des personnages, Glass n’arrive plus à se décider et à tracer la frontière entre l’humanité des gens aux capacités exceptionnelles et la démonstration de ces capacités presque gratuite dans le dernier tiers pour ne pas dire juste au nom d’un climax optant pour la mauvaise direction.


Le meilleur exemple étant justement le climax qui, s’il est couillu par ses choix, n’en est pas moins un bazar inutilement étiré avec deux Twist, le premier forcé car faisant un lien forcé et trop hasardeux avec le premier film (à l’inverse de celui de Split qui apportait quelque chose de fort à Kevin). A l’image de cette organisation anti-héros assez obscur introduit comme un cheveu sur la soupe et de la décision finale d’Elijah qui n’est rien de plus qu’un coup de bluff sans énorme conséquence si ce n’est développer une piste pour une suite en cas de succès.


On regrette même que les interventions de Casey, Joseph et de la mère d'Elijah deviennent presque vaines, car n'interférant que dans le dernier tiers avec le parcours des personnages (sauf pour Casey le temps d'un échange touchant avec Kevin).


Glass est un thriller super-héroïque à la réalisation bien conçue qui part avec de belles intentions et renoue avec la volonté de son réalisateur de livrer des histoires humaines ou étrangeté et intimité s’entremêlent, et ça fonctionne à certains moments. Mais qui échoue à livrer une conclusion digne de ce nom en raison d’une liaison maladroite avec les deux précédents films, d’une exploitation des codes des comics trop démonstratif dans son dernier tiers quand ça n’est pas dénué de finesse et des rôles traités de façon inégale. Reste à espérer que cette hésitation n'entravera pas la suite de carrière de Shyamalan et qu'il ne retombera pas dans la mauvaise pente de ces dernières années.

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le 16 janv. 2019

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