La religion nous dit que le pouvoir ne vient pas de nous. Dans les comics, c’est l’inverse. Il faut juste que vous ayez soit un petit coup de pouce de mère nature, soit une étincelle pour libérer ce pouvoir. Pourquoi ces histoires sont-elles écrites ? Et si les comics avaient raison ? La suite d’Incassable, chef d’œuvre d’M.Night Shyamalan, ne faisait qu’attendre sagement de se montrer au grand jour. 19 ans plus tard, M.Night Shyamalan conclut l’histoire de David Dunn.


Quand « Vol au dessus d’un nid de coucou » croise « Le Bon, la Brute, et le Truand »


Nouvelle grosse attente de cette année 2019, la suite et fin d’Incassable et Split. Beaucoup d’envies, cette trilogie avait tout pour révolutionner le genre et marquer une nouvelle fois le cinéma. Premier gros handicap, se faufiler parmi les mastodontes que sont les Marvel, Dc Comics et la série Heroes. Incassable a eu beau être la première œuvre à avoir réellement développé une histoire de super héros ancrés dans le monde réel, les années ont passées, les spectateurs et fans du genre en connaissent tous les codes. Cette conclusion allait-elle apporter un regard neuf ?


Oui, c’est le cas. Oubliez Heroes, revenez en 2000 où, à travers le personnage d’Elijah, nous commencions à remettre totalement en question la thématique des super héros. Glass se situant quelques mois après la fin de Split, continu sur sa lancée, nous démontrant qu’il n’est pas un film de super héros classique. Après la réintroduction de David Dunn, Kevin Crumb, puis beaucoup beaucoup plus tard, Elijah Price, il est temps pour ces trois hommes de se réunir. Un homme dévoué à la justice arrêtant du criminel, une brute à la force surhumaine changeant de personnalité comme de chemise, kidnappant des jeunes gilles pour les dévorer, et au milieu, un homme au QI dépassant la normale, fan de comics traquant les super héros et super vilains, comptant bien prouver au monde qu'ils existent, quitte à provoquer des accidents mortels.


Trois hommes que tout oppose, trois hommes aux motivations différentes. Ca ne vous rappelle pas un certain film de Sergio Leone? Sans pour autant copier bêtement sur cette œuvre, Glass, ses protagonistes et ses antagonistes nous plonge en pleine dualité entre le bien, le mal et le neutre. Shyamalan oblige, mixez l'ambiance mélancolique, philosophique et héroïque d'Incassable, et l'ambiance à la fois oppressante, horrifique, et psychotique de Split, et vous voila plongé dans une conclusion quasi parfaite. En plus de nous donner une sensation d’oppression, de malaise Shyamalnesque, M.Night Shyamalan sème le trouble comme il l’avait fait pour Incassable. Enfermés, David, Kevin et Elijah sont plus humains, fragilisés, en position de faiblesse. Avec le personnage du Dr Ellie Staple, digne successeur de Miss Ratchet (Vol au dessus d’un nid de coucou), Shyamalan nous embrouille, remettant les films Incassable et Split en question après avoir réussi à nous faire croire que super héros et super vilains existaient bel et bien.


Manipulation ? Tromperie ? Dans ce cas comment expliquer la force et résistance surhumaine de David ? Le Dr Staple peut-elle être de mèche avec Elijah Price faisant mine d’être totalement déconnecté suite à sa prise de médicaments ? On ne sait plus ce qui est finalement réel et ce qui ne l’est pas. Et on à peur, terrifié à l’idée que toutes ces histoires de super héros c’était du bidon depuis le début. De quoi détruire une franchise presque parfaite. Les paris sont ouverts. Est-ce que pour autant, grâce à son traitement de l’histoire, ses répliques savoureuses mais moins poignantes qu’Incassable, son jeu d’acteur brillant et son effet nostalgique, Glass est réussi ? Hélas non.



Avez-vous déjà vu d’excellents magiciens, David ? Je veux dire, les
meilleurs des meilleurs. Ils ont une formation de mentaliste, et ils
accomplissent des exploits extraordinairement convaincants. Ils y
parviennent en interprétant des centaines de signes que les individus
émettent inconsciemment en une fraction de seconde. Je crois que vous
fonctionnez comme ces professionnels et que vous devinez. Vous êtes
devenu un as dans cette discipline. Extraordinairement doué. Mais
c’est basé, sur des choses concrètes et c’est vous qui assemblez le
puzzle.



Glass, ses acteurs et sa bande originale


James McAvoy fait son retour, continuant de nous faire flipper tout en nous faisant mourir de rire, Bruce Willis, lui, depuis Death Wish, il nous prouve enfin qu'il a retrouvé gout au métier d’acteur et ne déçoit pas, tout comme Samuel L.Jackson au sommet de son art. Ca, ce n'est pas une nouveauté. Le jeu de ces trois personnages est à la hauteur de leur talent, d'une justesse touchante, surtout du coté du personnage de David. On imaginait que les réunir donnerait des séquences mémorables. Et bien non, la magie n'arrive pas à opérer, Willis, McAvoy et L.Jackson semblent déstabilisés, comme s’ils avaient peur de ne pas livrer une prestation de qualité. Le pire dans tout ça, c'est que le film, il n'est pas mauvais, il a des choses à raconter, seulement, il s’y prend mal. Utilisation maladroite de références aux comics (on ne les sent pas à leur place), coupes au montage trop visible (le film devant au départ durée plus de 3heures), manque d’explications, ce troisième et dernier film possède la plus grosse tare que puisse avoir un long métrage. Celle, là, elle va détruire totalement l’âme de Glass : la musique.


Où est passé James Gregson Williams? Où est au moins passé le thème musical propre à David Dunn ? Glass possède une bande originale insipide, d'une inutilité totale causant plus de dommage qu'autre chose. Incassable nous avait scotché à notre fauteuil, Glass, on a presque envie de se dire que si une envie présente venait à arriver, ça ne serait pas grave de quitter la salle. Alors qu’on a envie de découvrir l’issue de cette histoire. Aucun titre mémorable, Glass n’émeut pas, n’a absolument pas la puissance émotionnelle d’Incassable. C’est dire à quel point dans un film, la musique tient un rôle majeur.


Hormis la douche froide qu’est cette bande originale et ses dialogues moins forts qu’Incassable, Glass offrira quelques bons moments. Certains défoulant, dynamiques, d’autres émouvant malgré, une fois encore, l’absence d’une vraie musique intense. Alors que la première partie, jouissive à souhait rend un vibrant hommage à tout ce qui faisait l'âme, l'originalité, l'authenticité et la puissance d'Incassable, la seconde partie change de décors et nous plante dans un hôpital psychiatrique où tout ne sera pas si rose. Le huis clos annoncé n’en est pas véritablement un puisqu'on nous jonglerons avec les proches de nos trois personnages principaux. Chacun tentant de sauver l’être aimé.


Mettons de coté le cruel manque de volonté de l’interprète de la mère d’Elijah qui nous avait vraiment habitué à mieux (elle a dû piquer les médocs de son fils, je ne vois pas d’autres explications), allons voir du coté des plus jeunes. Le petit Joseph a bien grandi, devenu un vrai jeune homme, toujours complice de son père qu'il accompagne désormais à l'oreillette dans ses missions de sauvetage comme les super héros d’aujourd’hui (tout du moins, ceux des séries Dc). Spencer Treat Clark continu de nous offrir un jeu d’acteur sincère. Il n’a pas perdu son mojo, on retrouve tout ce qui faisait le charme et l’attachement de ce personnage. Casey Cooke, c’est un peu plus compliqué que ça. Manque de consistance, on ne sait pas, ça marche plus ou moins bien, on s’attendait à une meilleure exploitation du personnage. Toujours est-il que Casey, fait parti de ces personnages déterminant, utile à l’avancement de l’histoire et élément clé puisque représentant la partie « humaine » de Kevin, son ancien bourreau dont elle c’est visiblement épris. Syndrome de Stockholm en veux tu en voila !


Glass pour Mister Glass, alias Elijah Price, Samuel L.Jackson, vous allez devoir vous armer de patience pour le voir apparaitre et reprendre du poil de la bête. Soyez rassuré, cet intellectuel spécialisé dans l’interprétation des comics n’a rien perdu de sa superbe, continuant de nous donner une leçon de philosophie autant utile pour les fans de super héros que ceux ne les portant pas dans leur cœur. A travers ce personnage, Shyamalan livre une nouvelle réflexion sur les croyances, un des thèmes revenant souvent dans ces films. N’imaginez pas qu’on en restera que là, on trouvera deux autres réflexions, une sur l’usage malveillant du buzz d’internet, et le pouvoir des médias sur l’esprit pervertis de certains et (cf la scène d’agression voyant deux jeunes s’inspirer d’un mouvement du catcheur Roman Reigns, le célèbre « Superman punch ou coup de poing sauté » pour faire le buzz sur le net). J’en connais qui n’ont pas mis en application les conseils de la WWE « soyez intelligents, ne faites pas ça chez vous ! »



On trouve toujours une explication aux phénomènes surnaturels. Ca ne
veut pas dire qu’on a raison.



Au final, voila le parfait exemple de ce qui arrive quand on néglige la musique d'un film. Vous pouvez offrir des scènes, des dialogues, des plans symboliques, un esthétisme soigné, et un jeu d'acteurs très juste, si la musique ne suit pas, si elle n'émeut pas, alors attendez-vous à ce que l'œuvre perde de sa puissance émotionnelle. Hélas pour nous, Glass en fait parti. Non pas qu'il soit raté uniquement à cause de ça, plutôt qu’additionné au traitement des personnages et autres imperfections, il nous donne la désagréable sensation d'avoir été créé par un autre réalisateur. Admettons néanmoins que le twist final sera à l’image du premier pilier de cette trilogie, jubilatoire, concluant d’une belle manière notre intrigue vieille de 19 ans. A voir pour les fans voulant avoir une fin à cette histoire.

Jay77
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le 16 janv. 2019

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Jay77

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