Voyage au centre du genre - Analyse critique de Glass de M. Night Shyamalan


Voyage au centre du genre - Analyse critique de Glass de M. Night Shyamalan



Attention ça spoil absolument tout le film !


Une conclusion magistrale d'une trilogie qui décortique le genre super-héros. Si on compare avec les autres films, on perd de la tension, puissance, grandiose des scènes mais on a un film qui offre une véritable réflexion identitaire sur le genre à travers ses personnages, une belle manière de conclure cette trilogie et ces protagonistes qui laisseront très certainement leur empreinte dans le genre le plus prisé du 21eme siècle.


Le film contient quatre parties qui vont faire en sorte d'amener le spectateur en dehors des sentiers battus et le pousser vers une réflexion sur l'univers et ses personnages emblématiques maintenant bien implantés depuis les deux premiers films.


La première partie consiste à mettre en opposition les deux personnages surnaturels des deux anciens films et finalement répondre timidement aux attentes des spectateurs habitués de voir ce genre de combat en fin de film. On retrouve les codes de mise en scène de Split, Shyamalan place la caméra au niveau de la victime et effectue un long panoramique circulaire, c'est Kevin qui dicte la caméra, sa première apparition en roller tournant autour des victimes et donc autour de nous ne peut que nous faire rappeler Split.


La deuxième partie consiste à décortiquer le héros et le vilain du genre à travers ces trois personnages. Shyamalan place encore une fois ces personnages dans un monde très proche du notre où la différence et l'exception sont totalement anormales et irrationnelles. Pour la docteure, personnage représentatif de la société, il y a forcement une explication à ses déviances contrairement aux diégèses des pionniers du genre DC et Marvel où le peuple accepte et admire rapidement l'apparition d'êtres surnaturels. Shyamalan pose son regard sur sa création et pointe comme dans Incassable les points forts, faiblesses de ces personnages et nous propose une explication liée à la psychanalyse traumatique. En gros, il fait passer ces personnages pour des hommes qui ont su exploiter leurs capacités mentales suite à un grand traumatisme (toutes les scènes flash-back du film sont prenantes et renforcent totalement le récit et ces personnages). Il va par ailleurs sans pour autant être dans la lourdeur amener cette idée d’auto-persuasion de soi qui apporte de grands pouvoirs.


La troisième partie fait entrer en jeu Mr Glass lui aussi placé au même rang que les autres grâce à ses capacités cognitives surnaturelles, Shyamalan transmet son pouvoir de mise en scène à Elijah et démontre son contrôle absolu sur l'environnement qui l'entoure, il va même trop vite pour la mise en scène. Il aurait fait un parfait antagoniste de film d'horreur dans le rôle du vieux immobile en fauteuil roulant qui, la nuit, se déplace à une vitesse folle pour préparer son évasion. C'est dans cette partie qu'on se met à comprendre que David et Kevin ne sont que deux pions qui s'opposent dans un récit manichéen archétype du genre super héros et que le vrai duel c'est entre Glass et la Dr Staple qu'il a lieu. On comprend très rapidement le projet d'Elijah, son intention, toujours la même depuis Incassable il veut mettre en scène les combats de super héros. Il prendra tout autant soin du vilain que du héros dans son récit monté de toute pièce où il a trouvé le terrain de jeu idéal pour un ultime combat (lieu encore stéréotypé dans ce genre, inauguration de la plus grande tour du monde, pleins de médias etc).


Encore une fois Shyamalan nous surprend avec cette dernière partie qui est loin d'être celle attendue ce qui prononce une fois de plus la place très particulière et à mon sens inégalée de sa trilogie très bien accompagnée par la Blumhouse. Le final n'aura pas lieu à l'endroit prévu mais plutôt devant l'institut ce qui sera au final voulu par Elijah qui voulait que tout soit filmé en direct. Ce n'est pas non plus qu'une histoire entre trois hommes et une femme, c'est aussi remarquablement accompagné par trois personnages secondaires proches des protagonistes qui auront eux aussi une importance majeure dans le regard que nous allons porter sur nos héros. Ils sont tous là pour soutenir et aider des figures qu'ils affectionnent. A travers ce syndrome de Stockholm qui lie Casey et Kevin, il se passe quelque chose de très intéressant et qui permet d'apprécier et d'espérer une issue pour Kevin (performance monumentale de Mc Avoy qui restera dans les mémoires).


Ce sera le fils de David qui apportera le spoiler qu'il ne fallait pas prononcer et qui va compromettre le film d'Elijah et ainsi entraîner sa propre mort, ce spoiler arrive à un moment clé du film et surprend même par le poids de la révélation dans un film tellement prenant qu'on pensait à peine débuter. Le père de Kevin était lui aussi dans le train trafiqué par Elijah, il aura finalement réussi à créer deux super héros au prix de centaines de vies. Tous les flash-back et tout le traitement identitaire des protagonistes rendent les autres films encore plus intéressants, le lien qu'il parvient à construire tout au long de ce troisième film qui n'était pas évident entre les deux premiers films est excellent. Ce combat final se termine par la mort des trois personnages, une fin logique pour une fin de trilogie avec une production sur la durée mais très surprenante puisqu'il s'agit tout de même de super héros et que malheureusement, pour ce genre, on n'a pas l'habitude d'assister à ça. Ils meurent tous de leurs faiblesses : David de l'eau, Elijah de ces fractures et Kevin du fait qu'il perd temporairement sa schizophrénie à l'annonce de son nom.


Le véritable enjeu se précise, la docteure fait partie d'une organisation ciblant les extraordinaires pour les rendre ordinaires quitte à les supprimer si la thérapie n'a pas fonctionné, ça aurait très bien pu être un pitch de Tim Burton. Ultime rebondissement pour offrir une ouverture qui ne fera que confirmer ce basculement d'identification qui a eu lieu, les trois personnages sont désormais de véritables opprimés, futurs précurseurs d'une nouvelle génération de super héros qui pourraient naître dans cette diégèse. Elijah avait encore tout prévu pour mettre en lumière ces extraordinaires et pour finalement les rendre un peu plus ordinaires non pas en les traitant mais plutôt en les faisant être acceptés comme tels aux yeux du monde.

Jean_Cayre
9
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le 9 avr. 2019

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