Œuvre oscillant entre le très bon et la possible arnaque, où Robbe-Grillet s'amuse à offrir un cinéma déroutant, totalement fou. Témoignant d'une démarche artistique ô combien originale, le réalisateur parvient à hisser le film parmi un genre quasi inclassable, rendant son périple sur le plaisir iconoclaste. Certaines critiques peuvent fuser, caractérisant ce long-métrage tel un "infâme film d'intello". Pourtant, il est assez drôle d'y voir une confusion totale. Là où certains films intellectuels se trompent dans leur démarche, Glissements progressifs du plaisir détonne par une sommaire idée de "révolution narrative". Non pas que le film révolutionne un genre, mais Alain Robbe-Grillet offre un spectacle inédit, littéralement révolutionnaire. La discipline cinématographique interroge souvent les possibles spectateurs avides de mûres réflexions. Existe-t-il une fin du cinéma ? Notre réalisateur français semble se défaire de l'image traditionnelle du Cinéma, s'éloignant par ailleurs du modèle naissant du Cinématographe de l'ami Bresson. Ces visages, ces plans et surtout cette histoire : le film est fait pour provoquer l'étonnement, la sensation de renouveau, comme si le VIIème Art pouvait renaître dans un genre inédit, alors que le format demeure identique. Le désir ne serait-il pas notre point fort finalement ? Platon évoquait le misérabilisme de l'homme désirant, la contradiction ne fait que se ressentir : comment peut-on évoquer l'être misérable si les "glissements" se succèdent peu à peu ? Il faut notamment penser à la scène incroyable avec le prêtre, désignant le mal en pointant les seins et le vagin d'une demoiselle. Les idées reçus, les efforts soutenus... tout ne peut faire abstraction du désir. Alain Robbe-Grillet le sait lui-même : la quête du désir est perpétuelle. Sa compagne, Catherine, lui a appris le sadomasochisme. Lui se permet d'apprendre au cinéma comment traiter les pratiques masochistes dans le Cinéma, sans que ce soit "dégoûtant" ni "grossier". Au contraire, les références sont trompeuses, parfois "glissantes" : on se prête à y voir un caractère sexuel alors que seul le désir est concerné.


Difficile d'évoquer ce film si rapidement, il est tellement fou, tellement incroyable, repoussant le Cinéma dans des tranchées encore inédites pour certains cinéphiles, qu'il n'en est que fabuleux de voir un nouveau cinéma. La symbiose de la chair ne peut qu'être l'élément principal du film : cette chair, exclusivement féminine, provoque cette diffusion de désir, cette émotion érotique que je n'ai rarement ressenti. Je n'en reviens pas de voir une telle critique subversive de la religion, et du conformisme puritain en quelque chose, tant est-elle si violente, si agressive, si polémique. Mocky s'amuse souvent à répéter qu'il souhaite instaurer le mariage homosexuel pour les prêtres et pour les bonnes sœurs. Je comprends pourquoi maintenant. Après, j'imagine que chacun trouve midi à sa porte, mais j'y vois une critique féroce de la religion qui me transcende davantage que dans Viridiana du collègue Bunuel. Bien entendu, le film n'est pas à mettre sur l'assiette de n'importe quel cinéphile "industriel", tant la réflexion et le schéma narratif peuvent surprendre, aussi bien de manière négative que de manière positive. Derrière un titre ô combien charmeur, l'œuvre de notre porte-parole du Nouveau Roman conserve sa force, sa maîtrise technique irréprochable, son symbolisme trompeur, et... sa folie perpétuelle.

Amomo
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le 10 sept. 2015

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Amomo

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