J'ai vu God bless America en avant-première lors d'une séance qui était dans le cadre du "Festival America", un festival littéraire qui se déroule dans la petite ville où j’ai passé mes années de collège et lycée. (Ca a fait rire le public quand un des persos du film propose de se rendre en France en disant que c’est un pays anti-américains.)
Si on doit la présence de God bless America au programme, c’est parce qu’il était à Deauville, et que je film ayant gagné le grand prix n’était pas disponible. Ouf !
La présentatrive a évoqué le réalisateur et le film avec un texte préparé qui semblait être surtout une récupération d’infos sur le net. Ce qui était plus intéressant, c’était les citations du réalisateur qu’elle avait sélectionnées.
J’en ai retenu deux. D'abord, "le problème quand on fait un film qui fait réfléchir, c’est qu’il y a toujours quelqu’un qui ne comprend rien".
Je reviendrai sur l’autre citation plus tard.

God bless America, c’est la concrétisation d’un fantasme. Celui du réalisateur, le mien, celui de mon comparse qui a vu le film avec moi, celui de n’importe qui ayant eu trop longtemps à supporter des cons au point qu’on a juste envie de les tuer. Tout le monde vient à y penser à un moment. Je ne pense pas que ce soit juste moi qui suis taré, c’est juste que je n’ai pas honte de l’avouer.
Le personnage principal de God bless America est Frank Murdock, un quinquagénaire aigri qui exprime ses frustrations avec un langage soutenu. Je ne pouvais que d’emblée me mettre de son côté. Certes, le film fait un peu dans la facilité en ne proposant que son protagoniste et en face de lui des ploucs crétins, mais peu importe, je me serais identifié à Frank de toute façon.
J’ai eu encore plus d’empathie, et me suis encore plus reconnu en lui, quand on le voit progresser, l’air morne, parmi tous les moutons qui l’entourent au quotidien, des cons qui, contrairement à notre héros, acceptent non seulement les conneries qu’on leur sert sans arrêt dans les média, mais les régurgitent aussi.
Ca m’avait déjà frappé dans les bandes-annonces : parmi les programmes qui accablent Frank quand il zappe devant sa télévision, il y a ceux pour lesquels on reconnaît la vraie émission parodiée, et d’autres où la référence est plus vague et plus large, mais qui semblent si réels. C’en est horrible que la parodie et le réel soient d’une absurdité égale au point qu’on pourrait les confondre. Plusieurs fois dans le film on reviendra sur ces émissions de TV, on peut reprocher la répétition, mais moi je ne m’en lassais pas de voir le talent d’imitation du de Bobcat Goldthwait.
Par moments, aussi bien avec les émissions dans le film que les personnages qui entourent Frank, on aurait pu croire à des passages d’ "Idiocracy", et pourtant, ça ressemblait encore beaucoup à la réalité.
Ca me faisait rire de voir les collègues ou voisins idiots, mais je ne riais plus en voyant les caprices de la gamine pourrie-gâtée de Frank, j’avais un sentiment de gravité plus fort, peut-être parce qu’on en oubliait la dimension parodique et que là, ça ressemblait beaucoup trop à une réalité. Ca fait vraiment peur.

Les diatribes de Frank sont géniales et très inspirées. On reconnaît derrière le personnage le réalisateur qui se défoule sur tout ce qui selon lui ne va pas dans notre société et fait dire à son alter égo fictif tout ce qu’il a sur le cœur. On perd tout réalisme quand le personnage se lâche ainsi dans de longs monologues, mais le propos de Goldthwait est si délectable qu’on excuse facilement.
Toutefois ces monologues, eux, souffrent de la répétition et perdent de leur impact ; j’ai un peu lâché prise quand la fille part dans un discours politique d’une façon qui veut donner l’air qu’elle improvise, alors qu’on voit bien que ce ne sont pas ses mots qu’elle prononce et que tout est préparé.
Heureusement la complainte finale lors du climax est suffisamment bien aménagée pour qu’elle ait toute la puissance nécessaire à servir un propos.
Goldthwait a clairement travaillé ses répliques, au final la plupart du temps peu importe qu’on ne puisse pas croire en la spontanéité des paroles, tellement la façon de servir les messages est savoureuse. C’est bien mieux écrit que ne le laissent penser les sous-titres français, qui font des raccourcis, et évacuent des références bien plaisantes à 2 girls 1 cup ou Trent Reznor.

Frank est frustré. Et vient le moment, génial, de la révélation. Au lieu de se tuer, il va tuer tous ceux qu’il juge mériter de mourir.
Etant un débutant dans tout ce qui concerne les tueries, il y a des gags sur sa maladresse (le chiffon qui s’envole… excellent).
Vient la rencontre avec Roxie, une ado qui se situe entre Boltie de "Super" pour son enthousiasme et son hystérie, et Hit-girl de "Kick-ass" juste parce que c’est une jeune fille qui bute des gens méchants et que c’est politiquement incorrect et que ça choque les USA pour mon plus grand plaisir.
Un truc un peu raté par contre avec les personnages, c'est la backstory annoncée par Roxie, auquel on ne croit pas une seconde, et je pensais qu'on n'était pas censé y croire justement, avant qu'on ne découvre plus tard que si.

Le duo des protagonistes s’avèrera touchant par moment. Frank et Roxie forment un "platonic couple of spree killers", bien que sera abordée l’ambigüité que voient les autres dans leur relation. Pour Bobcat Goldthwait, lorsque Roxie cherche à ce qu’on la trouve jolie et veut juste se sentir aimée par son comparse, c’est une occasion d’aborder un autre thème, de servir un autre propos critique sur notre société.
Si la plupart du temps, j’étais d’accord avec le réalisateur parce qu’il critique des choses qui devraient révolter quiconque étant "normal" (le racisme, l’antisémitisme, le fait de parler à voix haute dans une salle de cinéma, …), j’ai trouvé que ça devenait parfois trop personnel et subjectif. Traduction : moi j’aime bien Juno !
J’aime bien toutefois que le Goldthwait n’hésite pas à cibler autant ses critiques, en n’y allant vraiment pas de main morte avec Diablo Cody ou encore Woody Allen. C’est très osé je trouve, car en général, même dans les œuvres subversives, on ne lance pas d’attaques aussi personnelles.
Par contre le personnage de Roxie encense complètement Alice Cooper, et ça c’est bien.


Dans la salle de cinéma, la plupart du temps, il n’y avait que mon camarade et moi qui riions. On était complètement seuls quand on en venait aux scènes gores (FX pas mal, au passage) ; je dois dire que je me suis quand même un peu retenu lors de la scène avec le bébé…
Et moi qui d’habitude, n’aimant pas me démarquer, attends toujours que quelqu’un d’autre applaudisse avant de me lancer, j’ai été le premier à applaudir. Mon ami étant le second et… dernier. On était vraiment que tous les deux à applaudir au générique de fin !
Je suis pas mécontent néanmoins d’être allé à cette séance et non une autre, et je vais en venir maintenant à la seconde citation du réalisateur que j’ai retenue, et qui m’a donné à réfléchir pendant le film : "est-ce qu’on fait partie de la solution ou du problème de ce pays ?".
Qu’en est-il pour Frank et Roxie ? Je pense qu’ils font partie des deux. En tuant des gens, ils sont soumis à leur subjectivité dans leur choix de qui doit vivre ou mourir, et rien qu’en se lançant dans cette croisade, ils se retrouvent à avoir des travers tout comme les gens qu’ils éliminent.
Mais comment régler le problème alors ? C’est une vraie question, je me demande s’il y a vraiment une solution.
En tuant un présentateur TV, Frank et Roxie font de lui un martyr. Comme on le fait justement remarquer, ce que font les personnages ne sert pas à grand-chose, si ce n’est se soulager un moment, étant donné qu’il y a le problème de l’absence de remise en question de la population américaine, qui cherche à chaque fois à blâmer autre chose qu’eux-mêmes.

En conclusion : on est foutus.
Tant qu’à faire, regardons de bons films en attendant la fin.

God bless America, je recommande. Il y a des défauts, mais que j'excuse sans trop de problèmes, tant le message et la prise de position radicale du réalisateur font plaisir.
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Wykydtron IV

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