La bande-annonce faisait déjà saliver ; j'attendais vraiment god bless america avec l'impatience du jeune insouciant qui bave sur son clavier. Je m'attendais à quelque chose de bête et méchant, mais c'était intelligent... Et méchant quand même.
Il y a deux aspects dans le film : tout d'abord, le côté jouissif. Et là, autant dire qu'à chaque scène de meurtre, on a une trique à faire pâlir Rococo. Les personnes éliminées sont des vrais connards et savent se faire détester par le spectateur. C'est simple : le film répond à nos fantasmes sadiques qui nous démangent en faisant en sorte que chaque mise à mort nous gratte là où ça fait du bien.
Mais il y a le second aspect, là où l'on trouve le réel génie. Goldthwait, scénariste de son film, dénonce avec une justesse claire et sans tomber dans la pachydermie toute la décadence de notre civilisation. La scène de dialogue entre notre héros et son collègue illustre la bêtise humaine courante, l'incapacité où le manque de volonté à comprendre un propos, le débat biaisé, etc. Bref, c'est une scène de combat entre un vaillant personnage soucieux des valeurs morales de notre société, et l'abruti produit-type qui s'auto-crétinise à coups de lobotomie de mauvaise foi et autres débilités incessantes. Le combat est inégal ; mais le second se défend avec sa seule arme : le nombre. Evidemment, quand on est une majorité à être crétin, c'est plus facile.
Autre fait incroyable, les émissions de télévision que le héros regarde. Là beaucoup ont pu râler avec "oe nan mais pas du tout et que dalle d'abord ; c'est exagéré." Non. Rien n'est exagéré. De la gamine qui part à Paris faire ses emplettes pour sa fête, aux doux connards aux pancartes "god hates you" qui vont défiler pendant les enterrements de soldats, jusqu'aux déclarations du politicien "je préfère perdre ma liberté d'expression plutôt que de la voir défendue par vous", Goldthwait n'a rien besoin d'inventer : tout a été fait et dit et est retrouvable sur le internet. Le réal' n'a eu que l'embarras du choix. Après, évidemment on peut râler en disant "ok ; ça existe mais il a pris que des exemples extrêmes bouuuuh ce réal' est un manipulateur des masses dangereux et adorateur d'un Satan Hitlérien Portugais". Evidemment, les exemples peuvent paraître extrêmes. MAIS de 1, n'oublions pas que c'est un film, et le réalisateur affiche clairement son but de passer une morale au moyen d'un divertissement sympa. A aucun moment on veut nous faire une thèse sociologique de la vie en société. Et de 2, ce sont des extrêmes qui se répètent quand même pas mal. Alors si on peut mettre le doigt (que dis-je le doigt ? Le poing, le pied, le légendaire coup de boule Zidanéen) sur le problème, on va pas se gêner.
Concernant les victimes, je pense qu'elles n'ont pas été tirées (hihi) au hasard., chaque victime de nos deux personnages adorablement psychopathes a une certaine symbolique...
La peste blonde que le héros veux faire disparaître avec sa voiture est le modèle de la gamine qui pense mériter absolument tout et veut tout avoir. Notre héros flingue la pensée matérialiste. Puis c'est au tour des parents, qui n'ont jamais donné de limites à leur RIP gamine. Le héros flingue le problème d'éducation. S'en suit les jeunes du cinéma. Le héros flingue le manque de savoir-vivre. Il se paie au passage le type qui se contente de filmer. Ici, c'est le manque d'humanité qui tombe d'une balle dans la caboche (parce que dans le coeur, ça aurait pas eu d'effets). D'ailleurs, la balle traverse de la même manière la machine que son maître. Le message ne peux pas être plus clair pour lui. game over, bitch.
Le politicien est intéressant aussi. Goldthwait évite de s'engager dans quelque chose de trop politique, et défend son meurtre par la grossièreté du personnage. Mais qu'entend-t-il par grossièreté ? Je pense qu'il fait référence à ses paroles comme citées plus haut "je préfère perdre ma liberté d'expression plutôt que de la voir défendue par vous" et autres (plus en tête). C'est pas vulgaire au sens large, mais au sens intellectuel, c'est d'autant plus irrespectueux et ça fout bien les nerfs. Le meurtre de ce personnage est important ; Goldthwait nous montre que ce n'est pas simplement une lutte contre la médiocrité, mais aussi contre la bêtise de personnes qui ne sont pas forcément médiocres. Le réal' évite finement de créer un apartheid dangereux entre gens médiocres et les intellectuels. On peut être donc bête sans être un con, et vice-versa.
Le final m'excite comme un Kamikaze dans un avion, avec le plateau TV, et le meurtre magnifique du mec qui chante avec une ressemblance frappante au karaoke de Mike Tyson en fin de Very Bad Tripp 2 (je ne pensais pas reparler un jour de ce film qui m'a sali à vie). On arrive ainsi au summum du déclin de la civilisation : la perte totale d'amour propre et de morale, par la simple phrase "j'ai essayé de me suicider parce qu'on ne voulait plus que je passe à la télé". La symbolique est là, encore une fois ; c'est d'ailleurs le premier à tomber du coup de gâchette bienfaiteur de notre héros.
Finalement, God Bless America est très propre tant dans le fond que dans la forme. Le réal' ne se contente pas de dézinguer tout le monde ; rambo s'en est déjà chargé. Il ne rembourre pas non plus son film d'une morale qui finirait par nous étouffer. Il sait s'arrêter là où il doit, et c'est peut-être ce qui fait la plus grande force de l'intrigue. Le film se contente humblement d'être un film et ne témoigne d'aucune prétention particulière.
Edit : C'est marrant, j'ai montré ce film à une personne qui m'a dit "ouais mais être con comme les personnages du film, ça se passe qu'en Amérique". D'un côté ça me rassure de voir que certaines personnes ne pensent pas plus que ça à Cauet, Nabila, Michael Vendetta (je ne prendrai pas la peine d'aller contrôler l'orthographe de ces noms ; d'ailleurs j'ai toujours été contre la personnalisation par le prénom des mollusques). Au fond, c'est peut être un onirique message d'espoir.