Breaking Bad + Super Connard
Un intellectuel migraineux et dépressif se croit condamné par une tumeur au cerveau. Il décide d'en profiter pour liquider un certain nombre de connards typiques : les héros de la télé-réalité, les ados hystériques, leurs parents laxistes, les malpolis qui font du bruit au cinéma, les gens qui se garent mal exprès... Dans sa folle entreprise de justice, il est accompagné par une jolie fille surdouée et suicidaire.
Le pitch, avouons-le, est jouissif. Il sent bon la vengeance cathartique du libéral cultivé sur la modernité qui le malmène, qui se gausse de lui jour après jour, et qu'il est par ailleurs impuissant à changer. On se dit que, pendant une heure et demie, pour une fois, c'est les autres qui vont morfler : les méchants, les crétins, les fachos, les enculés d'en face.
Malheureusement, au final, le louable projet imaginé par Bobcat Goldthwait se cantonne à une violence trop sage, à une immoralité trop banale, à des constats trop faciles pour vraiment creuser ses sujets. Il ne fait que gratter sa propre surface avec une complaisance déprimante : oui, la modernité est stupide et cruelle, oui nos voisins sont incultes, oui on excite leurs bas instincts à longueur de programmes TV, et oui les bonnes âmes polies de la gauche qui lit des livres assistent impuissantes à la déliquescence morale de leur petit monde. Et après ?
Après rien : Goldthwai offre au spectateur un défouloir mou, sans réelle profondeur, sans autre horizon que celui d'une vengeance symbolique mâtinée d'auto-apitoiement, et dont la seule issue possible est le suicide. Victime chétive du 21e siècle, indigné apathique, terrifié par la violence, souvent dépressif, un peu réactionnaire, l'homme civilisé, poli et éduqué trouvera dans ce pessimisme mou un certain réconfort, comme quand on sent sur son épaule la chaleur d'une main amie. Tristement assis dans son clic-clac, il regardera ce frère pathétique prendre les armes, résister à l'appel sexuel d'un corps adolescent, affronter enfin l'horreur du monde avec décence, mais sans réelle détermination, tout en mollesse.
Au fond, Goldthwait passe un peu à côté de son vrai sujet, le seul qui devrait aujourd'hui l'intéresser : lui-même, et à travers lui la bourgeoisie intellectuelle impertinente, qui pense et parle si bien, continue de tourner des films et d'écrire des livres sans croire à leur portée, qui peu à peu s'enfonce dans la routine de l'échec, se replie dans la déprime et dans un mépris de soi inutile et geignard.