De nos jours, les bandes-annonces sont comme de petits courts-métrages, destinés à teaser le spectateur à coups de money shots, à lui montrer un maximum de l'univers qu'on lui propose tout en épargnant autant que faire se peut l’intrigue (coucou, Batman v. Superman), et à lui donner un avant-goût de ce qui l'attend. De fait, certains films sont déjà réussis dés la phase promotionnelle par des maîtres de la bande-annonce, ou en tout cas à défaut de l'être, auront eu le mérite d'attirer en salles en faisant monter la hype (Suicide Squad s'achemine vers ce cas de figure, à voir si le film sera à la hauteur). Mais le revers de la médaille, c'est qu'un projet peut se faire défoncer sévèrement la gueule avant même sa sortie, et ce fut le cas de Gods of Egypt, d'Alex Proyas (Dark City, I Robot).
Alors, c'est vrai, ça partait mal. Entre la grosse polémique sur le white-washing du casting (il est vrai que le choix d'un Danois en Horus ne fait sens que dans l'esprit des vieux producteurs blancs d'Hollywood) qui coïncidait en plus avec la controverse #OscarsSoWhite, et le trailer en lui-même qui montrait un film franchement moche, dégoulinant le fond vert et la créature en CGI, on partait sur un gros navet qui sentait le naufrage économique à des kilomètres.
Et pourtant. Au risque de perdre toute crédibilité ''cinéphilique'', j'ai plutôt apprécié. Du coup, je me vois dans l'obligation de couper, pour une fois, ma critique en deux parties : une objective, car on ne peut se rendre aveugle à la cascade de défauts du septième long-métrage de Proyas ; et une subjective, où je tâcherai d'être l'avocat du diable.
Objectivement donc, le film est franchement moche (on y reviendra ultérieurement). On a opté pour du tout-numérique, et ça se ressent. Paradoxalement, alors que ce qui faisait le plus peur dans la BA étaient les ''Dieux" en mode Chevaliers du Zodiaque qui me semblaient risibles, ce sont en fait les moments plus basiques, à base de fonds verts permanents, qui sont gênants. J'ai en tête un moment en char avec le couple de jeunes héros, où on voir clairement l'ajout numérique, et qui fait penser à ces vieilles astuces de films d'époque lorsqu'on devait filmer des protagonistes sur la route en voiture. Vous savez, ces scènes où les personnages conduisent en tournant le volant alors que le paysage derrière défile en ligne droite... Bref, c'est maladroit. Niveau scénario, si l'intrigue dans son ensemble tient la route (même si la fin est ratée, manquant clairement de cojones), on regrettera les grosses ficelles, que dis-je les câbles, qui font avancer l'Histoire à coups de set up/pay off (on vous montre un détail à un moment, ce détail ne prend de l'importance que plus tard) aussi subtiles qu'une scène d'action de Michael Bay.
Voilà, de ce point de vue là, le film est bancal et moche.
Alors pourquoi le défendre ? Et bien, c'est sans doute très subjectif, je le concède, mais Gods of Egypt a in fine une atmosphère très jeu vidéo qui fonctionne bien (mieux que toutes les adaptations tirées de jeux vidéo en tout cas) qui peut plaire, lorgnant du côté des univers bourrins type God of War. C'est là d'ailleurs que l'aspect raté des effets spéciaux devient, ironiquement, un facteur d'immersion. Une fois qu'on a accepté ce postulat, et qu'on a arrêté de pleurer sur le sort fait par Hollywood à la mythologie égyptienne, alors on accepte ce croisement étonnant entre un film de super-héros (Thor), de la science-fiction (Stargate), et Dragon Ball Z. C'est sans doute le fait que le film soit décomplexé par rapport à sa propre idée qui aide à rentrer dans le film, face à des cousins lointains comme Le Choc des Titans ou Les Immortels, qui pour le coup se prenaient au sérieux et se vautraient forcément.
Dans son genre donc, on est loin du plus honteux des produits et si j'affirmerais objectivement que ce film est quand même un beau bousin à bien des égards, j'en retiendrai une note positive aux allures de plaisir coupable, Gods of Egypt faisant partie de ces moments où le cinéphile s'auto-satisfait en regardant un nanar, car n'est-ce pas un luxe qui nous appartient finalement que de pouvoir aimer quelque chose de mauvais tout en étant parfaitement conscient du niveau de ce que l'on regarde ?