Qui est le plus monstrueux, l'homme ou la bête ?
Japon, dans les années 1950, une série de naufrages inexpliqués défraie la chronique. Pendant ce temps, sur une petite île, on organise une cérémonie en l'honneur d'un dragon marin vénéré "Gojira". Mais c'est alors que la nuit venue, une tempête éclate... puis bientôt un monstre géant tout droit sorti de l'eau apparaît...
Finalement, on se rend assez vite compte que ce film est remarquable et, à l'image de "King Kong" quelques années avant lui, dépasse le simple stade de films de monstres. Effectivement, en plus de nous présenter un monstre qui deviendra légendaire suite à ce film, le récit est loin d'être bête et arrive à être subtil voire même touchant.
Assez vite, Ishirō Honda met en rapport le monstre et la radioactivité, réveillant les fantômes passés mais encore dans les mémoires des deux catastrophes nucléaires provoquées par les américains en 1945. Mais il ne s'arrête pas à cette référence et son film en est truffé telles les images de villes détruites et en flammes, rappelant toujours cet événement et il en fait une critique de l'utilisation par l'homme. Mais, toujours avec le spectre du nucléaire, il donne une dimension assez touchante à son film, notamment lorsqu'il met en scène les hôpitaux surpeuplés ou surtout cette infirmière mesurant, de manière impuissante et fataliste, le taux de radioactivité sur un enfant.
Mais aussi, que dire des apparitions du monstre ? On le voit assez vite lors d'une première scène de tempête qui provoque déjà son petit effet, mais il faudra attendre pour le voir entrer en ville. Mais dès ce moment-là, c'est une réussite et notamment grâce à l'atmosphère assez sombre et de terreur que Honda met en place, utilisant une image assez sombre et mettant en place des humains incapables de faire face à ce monstre. Derrière cette atmosphère prenante, les effets spéciaux/trucages sont assez efficaces et offrent même un charme assez désuet. Contrairement à "King Kong" qui était animé en stop-motion, c'est ici un cascadeur en costume qui anime le monstre et Honda arrive à le rendre terrifiant grâce à plusieurs effets de réalisations, notamment de le filmer au ralenti pour donner une impression de lourdeur. Les apparitions du monstre en villes font parties des nombreuses scènes marquantes, notamment celle avec les pylônes électriques.
L'histoire en elle-même est intéressante et très bien rendue à l'écran, le film monte peu à peu en puissante. Honda prend bien soin de travailler psychologiquement ses personnages, que ce soit le savant écologiste préférant étudier le monstre plutôt que de le détruire ou l'inventeur de l'arme permettant de détruire le monstre mais, en connaissance de la nature humaine et des dangers que cela représenterait entre certaines mains, hésite à la rendre publique. Des personnages fort intéressants par leurs dilemmes que Honda retranscrit très bien et qui sont, dans l'ensemble, très bien interprétés.
La réussite du film tient aussi à la manière dont il alterne les différents "genres", passant subtilement du film de monstre au drame avec parfois un choix de mise en scène quasi-documentaire. Il accentue l'atmosphère sombre grâce à une obscure photo en noir et blanc ainsi qu'à une bande originale adéquate.
Bref, film de monstres, drame et dénonciation intelligente des dérives de l'homme, "Godzilla" réussit sur tous les tableaux pour un résultat inoubliable et marquant.