A mi-chemin entre Prometheus (pour l'exploration des cavités où gisent des parasites nommés "mutos") et Pacific Rim (pour le côté "combat de kaijus"), Godzilla ne brille pas par l'intelligence de son scénario : pendant plus d'une heure, le film accumule les explications les plus fumeuses, révélant par exemple que, dans les années 50, une coalition internationale s'est formée dans le secret pour exterminer Godzilla, prédateur antédiluvien considéré comme hautement dangereux. Les essais nucléaires dans le Pacifique? C'était Godzilla. Le tsunami en Thaïlande? Godzilla. Les séismes au Japon? Godzilla, encore. Le pauvre monstre, avant même d'apparaître à l'écran, est présenté comme le responsable tous les fléaux de ce monde depuis soixante-dix ans. Heureusement, le scénario a prévu l'existence de deux autres créatures très agressives (les mutos) afin de transformer Godzilla en une sorte de dieu bienveillant, qui sauve le monde tout en le détruisant un peu, car sa carrure hors norme ne lui permet pas de se déplacer dans San Francisco sans faire d'immenses dégâts.

La partie la plus belle du film, qui correspond environ à la dernière demie-heure, marque donc l'avènement de ce superhéros d'un nouveau genre. Avant cela, le film a avancé de façon très bavarde, en multipliant les scènes d'explication dans un QG éclairé d'une lumière bleutée, où des scientifiques s'agitent devant des écrans, en se posant des questions cruciales: "Qu'est devenu le sous-marin qui a disparu dans le Pacifique Nord?" . Il est clair que Gareth Edwards n'a rien à faire de ces scènes, comme il n'a rien à faire non plus de ce qui préoccupe l'humanité dans son film. Les coupures d'électricité provoquées par les mutos ne sont que des moyens d'intensifier le pouvoir d'apparition de son Titan et si le lieutenant Ford Brody, héros supposé du film, paraît si terne, c'est parce qu'il ne sert à rien. Ou presque, car il regarde Godzilla accomplir son oeuvre avec le même émerveillement qu'un enfant devant E.T.

Mais E.T date de 1984 et, dans Godzilla, les hommes ne sont plus là, sauf à titre de spectateurs lointains d'un combat qui ne dépend plus d'eux. Les plus beaux plans du film flottent dans cette demie-conscience qui est celle de Brody: c'est celui on l'on voit les lanternes d'un quartier chinois de San Francisco trembler dans un brouillard de poussière, c'est celui où, sous l'effet d'une panne électrique, des avions s'écrasent au ralenti dans l'Océan comme des jouets de papier. Le spectacle a encore besoin de nous (et Brody est le premier à s'en émerveiller), mais il se joue sans nous. Le monde humain, dans Godzilla, semble secoué comme une grande chambre d'enfant traversée par un dieu indifférent : c'est ce qui en fait un des plus beaux films de monstre vu depuis Jurassic Park.
chester_d
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le 27 mai 2014

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