Gozilla est une créature dont la symbolique a évoluée au fil des décennies. Allégorie nucléaire, force de la nature contre laquelle l'homme ne peut lutter, victime des expériences humaines...le reptile atomique a eu le droit à tous les rôles. Et si aujourd'hui le Monsterverse a décidé de garder la symbolique de la force de la nature invincible, la Toho a décidé d'effectuer un retour aux sources avec Godzilla : Minus One
Ce film est avant tout une aventure humaine et sociétale, avant d'être un film de monstre. Yamazaki nous raconte, à travers sa réalisation au ton bien patriote, la lente et difficile reconstruction du Japon suite aux sanglants combats contre les étatsuniens. Le personnage de Shikishima, ancien pilote Kamikaze qui a refusé le sacrifice ultime, représente à lui seul un japon brisé physiquement et mentalement, tentant de reconstruire sa vie sociale et physique.
Mais la reconstruction devra attendre, car un monstre titanesque contre lequel aucune arme ne fonctionne saccage le japon sur toutes ses côtes : les états-unis ont brisé le Japon, Godzilla vient l'achever...
Godzilla est redevenu l'allégorie du danger de la guerre nucléaire qu'il était en 1954, cette psychose nationale qu'était le retour de la guerre au sein d'un pays à peine remis de ses blessures...invincible, destructeur, terrifiant et insensible à tout sentiment humain, Godzilla est un colosse destructeur à l'aura quasi-divine, impossible à raisonner, encore moins à vaincre. Avec un budget de 15 millions de dollars, la Toho nous a servi un spectacle visuel d'une grande qualité. Si les apparitions de Godzilla sont trop rares à mon goût, chacune d'entre elles magnifie chaque fois plus la créature, de plus en plus impressionnante à mesure que le récit se développe. Rarement un Godzilla aura autant évoqué l'effroi et le désespoir. La première scène du souffle atomique est une claque visuelle. Le monstre-dieu représente un défi ultime lancé à l'esprit de résilience d'un pays détruit, ainsi qu'à celui de notre héros mentalement au fond du gouffre. Tel un dragon philosophique représentant un défi à relever avant d'avancer, Godzilla se présente comme un cauchemar couleur obsidienne contre lequel seule la détermination et le courage du peuple nippon pourront faire face.
Godzilla : Minus One pêche malgré là ou pratiquement tous les films Godzilla pêchent : les personnages humains...si le récit de rédemption de Shikishima est touchant à suivre (bien que très long et parfois lassant), les personnages tournant autour du récit embrassent tous les clichés du cinéma : le vieux vétéran critiquant son pays pour l'avoir abandonné, le savant fou mal à l'aise en public, le jeune soldat voulant en découdre sans connaître l'horreur de la guerre...si les dialogues (bien que simplistes) ne sont pas ennuyeux, le récit humain n'est que peu original et il est assez simple de deviner les développement de l'intrigue à l'avance, malgré quelques rebondissements.
Ce n'est pas le récit en soi qui est intéressant mais le message qu'il véhicule : très critique sur la politique militaire japonaise durant la seconde guerre mondiale et au sujet de la bureaucratie nippone lente et froide, Yamazaki brise le cliché du héros devant sacrifier sa vie pour les générations futures. Shikishima regrette durant tout le film de ne pas avoir sacrifié sa vie pour son pays mais comprend à la fin qu'il doit vivre. La vie est trop précieuse pour la sacrifier pour quelque cause que ce soit. Alors qu'il rêve d'un sacrifice rédempteur contre Godzilla, Shikishima refuse l'ultime sacrifice tout en repoussant la bête infâme...car il doit vivre pour aider à faire perdurer le futur. Et si la fin est bien trop larmoyante et niaise à mon goût, ce message d'espoir a malgré tout réussi à me toucher. Faire dire à un Kamikaze qu'il doit vivre, c'est osé malgré tout !
Yamazaki nous montre également à travers, la détermination de la brochette de persos secondaires que ce film nous offre, comment l'avenir d'une nation dépendra toujours de la volonté de son peuple. Car si Godzilla finit par tomber, ce n'est pas grâce aux actions héroiques d'un individu mais aux actions coordonnées d'une population unie, courageuse et prêt à tout pour préserver l'avenir.
Godzilla : Minus One est un incontournable pour tous les fans de la saga Godzilla. Non seulement il nous présente un monstre atomique au top de sa forme mais en plus il essaie de nous raconter un récit, pas forcément original mais bien manié. Graphiquement, musicalement et cinématographiquement, c'est une oeuvre artistique réussie.
La Toho a définitivement prouvée aux studios américains qu'elle reste la maîtresse incontesté en ce qui concerne les films de Kaijus.