On pourra reprocher de nombreuses choses au film de Kazuki Omori : un rythme inégal, des jeux d'acteur approximatifs (en particulier lors des dialogues en anglais), des scènes d'action dépassées... Cependant, et probablement parce qu'il s'agit du premier Kaijū Eiga que j'ai visionné et qu'il a remarquablement marqué mon enfance, on ne lui enlèvera pas une réelle efficacité ainsi qu'une histoire pour le moins originale. Biollante, créature créée par le professeur Shiragami à partir de l'ADN de Godzilla et de celle d'une rose contenant l'âme de sa fille décédée, est à mes yeux l'un des Kaijū les plus singuliers de toute la saga Godzilla. En plus d'avoir une apparence très réussie, aussi gigantesque que suintante et grouillante, il s'en dégage une certaine mélancolie, notamment par son cri qui n'est pas sans rappeler le chant d'une baleine. De par son immortalité et le fait qu'elle contient l'âme d'une jeune fille, Biollante est un esprit pur enfermé dans un corps monstrueux, ce qui n'en fait pas une entité fondamentalement bonne ou mauvaise, mais plutôt une créature martyre, déchue, condamnée à errer pour l'éternité sous des traits abominables afin de punir la curiosité scientifique trop poussée de son géniteur.
Big-G est également une grande réussite. Jamais jusqu'ici il n'a été aussi sombre et impérial, écrasant de son pas lourd des maquettes de plus en plus crédibles. Nous sommes loin de l'ère Showa et de ses combats anthropomorphes abracadabrants et débiles, la bête est ici plus animale que jamais, et réellement menaçante. Ce qui avait été initié dans l'opus précédent (Le Retour de Godzilla, 1984) est ici transcendé. On est comblé à chaque apparition du dinosaure radioactif, et ébahis lors des trop rares scènes qui opposent les deux monstres géants. La seconde intrigue entremêlée à la première qui oppose les forces japonaises, Godzilla et Biollante est néanmoins mineure et définitivement pas à la hauteur. Mettant en scène des personnages et des scènes dignes des films d'espionnage américains les plus kitsch, elle constitue la faiblesse du film. On peut également noter la bande-son, très ancrée dans les années 80, qui reprend des thèmes connus tels que celui de film original de 1954 ou celui de Godzilla contre Mothra de 1964 qui sont réorchestrés à grand coups de basse qui slappe et d'arrangements orchestraux rococos.
Godzilla contre Biollante est donc un Kaijū Eiga insolite et réussi, s'inscrivant parfaitement dans la thématique l'ère Heisei qui met en scène des théories pseudo-scientifiques fantaisistes tout en contribuant à un assombrissement du genre. La morale écologique est toujours aussi présente, et pourrait se résumer à : monstres géants et OGM ne font pas bon ménage.