Légère déception que cette rencontre au sommet, qui s'avère plutôt sympathique dans l'ensemble, mais qui manque de quelques idées pour vraiment se démarquer. Et pourtant ça partait étonnamment bien !
Pour contextualiser un peu ma position sur ce film, j'avais vraiment bien aimé les introductions respectives qu'ont eu Godzilla en 2014 et Kong en 2017, offrant notamment des visuels assez identifiables. Sans crier au génie sur ces deux films, je les trouvais équilibrés entre le spectacle qu'ils offraient et les personnages humains mis en avant dans chacun d'eux, qui avaient un minimum de développement pour les rendre un tant soit peu intéressants à suivre. Et surtout, leur mise en scène était vraiment réussie, ayant une identité propre et jouant assez bien sur le gigantisme qu'amenaient les bêtes à l'écran.
Godzilla 2, en revanche, ratait le coche à mes yeux, et pourtant il avait mis les bouchées doubles sur les monstres, me semble-t-il... Mais, à mon souvenir (ne l'ayant vu qu'une seule fois, ce qui m'a suffit), les personnages humains n'étaient pas intéressants, hormis peut-être pour offrir un peu de perspective en regard du gigantisme, mais à nouveau, les films évoqués ci-dessus le faisaient mieux, je trouve.
Ainsi, malgré un second épisode de Godzilla assez oubliable sans être foncièrement mauvais, la franchise qu'on appelle MonsterVerse était partie sur un assez bon pied. Dès le début de GvsK (on va abréger), le générique nous présente ce qui promet d'être comme la finale entre deux champions d'un tournoi. La première moitié du film se montre assez surprenante, notamment en ce qui concerne la mise en avant de Kong. C'est lui qui s'avère être le personnage le plus intéressant à suivre de tout le film, et quasiment le plus humain. Le personnage a vieilli depuis son film solo, et il est probablement plus mature. On le sent plus posé, moins agressif, et probablement fatigué des conneries des Hommes. Ce qui peut sembler paradoxal pour un monstre qui passe son temps à déglinguer tout ce qui bouge ou presque, semble pourtant être au cœur de la plupart des films où il est apparu, et ce qui le définit le plus : un monstre, oui, mais avec un cœur, et qu'on n'arrête jamais de faire chier, nous les humains.
Ce point sur l'humanité du personnage est bien mis en avant dans ce film via sa relation avec Jia, la petite fille sourde et muette. Il y a vraiment de très jolis moments de poésie, de calme, et j'en ai été agréablement surpris de la part d'un film comme celui-là. En général, dans ce genre de films, les moments calmes sont plutôt là pour amener de la tension, alors qu'ici ils sont vraiment là pour créer de l'attachement, développer le personnage de Kong, ou encore nous faire découvrir un nouveau lieu plein de sens pour lui.
Tous ces moments contrebalancent bien avec le reste du film, car ça va vite, un peu trop, même ! Pour le coup, on ne va pas tellement s'ennuyer, même dans les phases où l'on suit uniquement des personnages humains, car les évènements s'enchaînent très rapidement, ce qui peut devenir un défaut si on n'arrive pas à digérer assez vite. Pire que ça, cela empêche de vraiment amener de la tension dans les scènes. C'est con, parce qu'il y a moyen de le faire avec les monstres et l'envergure de la menace qu'ils représentent. Dans le Godzilla de 2014, il y avait des moments comme ça, et c'était foutrement efficace !
Il y avait même le parfait outil pour jouer là-dessus dans GvsK avec Jia, qui est sourde. Il y avait clairement moyen d'utiliser cette spécificité pour une ou deux scènes, pour teaser l'arrivée d'un monstre par exemple. Ah oui, ils le font en réalité dans ce film, mais c'est fait en 5 secondes, merci mais pour le build-up on repassera... Cette caractéristique est seulement exploitée pour des scènes plus tragiques / tristes / contemplatives, comme évoqué ci-dessus. C'est déjà appréciable, cela dit, car c'est mieux que rien du tout dans un film comme celui-ci.
Bref, le film va vite, et ne se pose que trop rarement, n’amenant quasiment pas de tension avant les combats, là où Godzilla et Skull Island prenaient bien davantage leur temps pour créer des ambiances et mieux les briser.
Cela passait aussi par le jeu du gigantisme, de la mise à l'échelle des monstres, notamment via le point de vue des humains, ce qui était très bien maîtrisé dans le Godzilla de 2014 (un plan qui m'a marqué était celui vu de l'intérieur d'un aéroport, avec le pied de la bête qui apparaît à travers la fenêtre). Kong: Skull Island n'était pas en reste non plus, bien qu'un poil plus banal sur ce point à mon goût. Il y avait quand même de bonnes idées, notamment lorsque les hélicos prennent une bonne dérouillée à leur arrivée sur l'île.
Il y a un bon petit paquet d'intervenants humains dans ce film, à l'image des films précédents. Certains sont issus de Godzilla 2 (et ce ne sont pas nécessairement les plus intéressants), et les autres sont de nouvelles têtes dans cet univers. Je dirais que la plupart des personnages sont relativement intéressants, sans être extraordinairement bien écrits, mais au moins je n'en avais pas rien à faire de leur histoire, et leurs actes sont pour la plupart justifiés. Il n'y a que le trio "complotiste" que j'ai trouvé assez superficiel, et hormis une action déterminante (mais assez conne) en fin de film, ils ne sont pas hyper utiles à l'intrigue hormis nous exposer bêtement des éléments d'intrigue.
Les autres personnages, ceux qui accompagnent Kong en particulier, sont plutôt bien foutus et servent un intérêt réel dans l'avancement de l'intrigue. L'évènement qui mène ensuite à l'affrontement final m'a fait lever les yeux au ciel, n'apportant pas grande surprise de la part du personnage qui initie cela, et détruisant en partie ce qui avait été présenté juste avant, et qui était une nouveauté bienvenue. Schéma classique, mais c'était prévisible...
Je parle de la trahison de la fille du "méchant PDG". Son rôle était prévisible, jusque dans le moment où ce rôle intervient, et ne pouvait pas être plus superficiel. Ajoutons à cela sa mort méritée, alors qu'elle tente de s'échapper lâchement, mort certes satisfaisante, mais qui n'a que cela à nous apporter, en plus d'une très légère touche d'humour.
Même si le fameux trio mené par le personnage interprété par Milly Bobby Brown n'est pas hyper intéressant, il apporte quelques touches de légèreté, et s'avère moins raté que le personnage du PDG, joué par Demián Bichir. Celui-ci ne sert qu'un intérêt dans le film, et dès son introduction on peut se douter du rôle qu'il va jouer, car c'est encore une fois un schéma vu des dizaines de fois dans ce genre de films. Et j'ai eu l'impression que son temps à l'écran n'était pas immense, ce qui n'aide pas à développer le personnage en-dehors de ce qui fait l'essentiel de sa personnalité.
Le PDG multimilliardaire qui décide d'utiliser une technologie inconnue pour sa propre création, sans réaliser de tests préalables, ce qui mène fatalement à une énorme connerie. Bien sûr, il nous délivre un discours pompeux sur l'histoire de sa vie et ses plans machiavéliques, patati patata. Fort heureusement, et même si ça a été vu et revu, le personnage ne survit pas plus d'une minute à sa création. Passons également sur le fait que ladite technologie inconnue qui permet de donner naissance à la menace ultime est acquise de façon extrêmement simple, même pour un simple film de SF/fantastique à grand spectacle. Il ne suffit pas de télécharger des données sur des radiations pour reproduire celles-ci, d'autant plus lorsque ce sont des radiations d'origine inconnue, et d'autant plus lorsqu'elles sont transmises depuis... le centre de la Terre. M'enfin, on n'est plus à ça près ?
J'ai trouvé que le film avait une structure assez similaire à Batman v Superman, particulièrement dans son dernier tiers. Tout n'est pas identique, certes, mais la justification de l'affrontement, sa résolution ainsi que ce qui s'ensuit n'est quand même pas éloigné dudit film du DCEU !
Au final, aucun des deux protagonistes n'a réellement de mauvaises intentions, et le tout fini assez gentiment... Ils s'allient contre un ennemi commun, puis nos deux "héros" finissent presque par être potes. La grosse différence avec BvS, et attention car nous avons ici un spoiler dans un spoiler, je suis le Nolan des critiques : personne ne meurt chez les gentils.
Tiens d'ailleurs, autre connexion entre le MonsterVerse et le DCEU : le compositeur ! Junkie XL, sous son vrai nom Tom Holkenborg, qui avait déjà officié sur BvS (avec Hans Zimmer) et ensuite sur Zack Snyder's Justice League (remplacé en 2017 par Danny Elfman dans la version cinéma de Joss Whedon), compose la BO de ce Godzilla vs. Kong. Et comme à son habitude, il signe une BO certes très impressionnante, tournée sur le grand spectacle, ce qui sied à ce genre de films, certes, mais qui a tendance à vraiment trop en faire sur les percussions bien lourdes. Et de films en films, son style ne se renouvelle vraiment pas. En revanche, il sait quand même faire preuve de poésie entre les moments d'action, et nous offre quelques mélodies pas désagréables, qui viennent notamment accompagner les jolies scènes avec Kong que j'ai évoquées plus haut. Une BO assez banale quand même, dans la mesure où elle n'offre pas de véritable surprise, mais qui fait le job.
J'aime bien Junkie XL pour certaines compositions épiques, mais autrement je le trouve un peu trop redondant !
Pour ce qui est du spectacle, sinon, que vaut ce film ? Car on n'est pas là pour photocopier de la neige, malgré que, j'insiste grandement là-dessus, les moments de contemplation ou d'humanité offerts par Kong soient très agréables à mes yeux.
Déjà, les phases d'action sont relativement bien espacées tout au long du film pour ne pas trop s'ennuyer. Notons aussi que le film dure moins de deux heures, ce qui tend à réduire les possibilités de s'éterniser. Les batailles sont plutôt sympathiques visuellement, offrant parfois quelques mouvements de caméra assez bienvenus. Le réalisateur a recours à quelques vues "GoPro-like", comme si la caméra était fixée sur un objets / membre précis d'un personnage, ce qui donne lieu à des mouvements vertigineux.
Les environnements sont suffisamment variés, mais on finit par tourner un peu en rond par rapport aux films précédents, car ce sont les mêmes genres de décors : soit en mer, soit en ville, soit dans la jungle. Ce n'est finalement que la partie du milieu, dans un lieu inédit, qui permet d'être un peu dépaysé. La ville principale où se déroule l'action est suffisamment colorée pour offrir quelques plans chatoyants, davantage que dans le Godzilla de 2014, qui était un peu trop grisâtre, mais rien d'extrêmement inspiré non plus dans le film ici présent, la faute à une mise en scène qui manque de faire mouche (préférence personnelle). Pour moi, Pacific Rim l'avait mieux fait, en comparaison.
Car si le spectacle est là, je le trouve presque trop banal : c'est comme si on avait deux personnages humains qui se battaient dans un décor miniature plutôt que l'inverse. Comme évoqué plus haut, le film ne joue pas assez sur l'échelle gigantesque des personnages, et les voir se tataner à coups de buildings sur la gueule est certes impressionnant parce qu'on comprend ce qu'on voit, mais il n'y a pas le feeling derrière, le truc qui prend aux tripes et qui serait provoqué si on avait placé la caméra autrement. Je ne dis pas que la mise en scène est ratée, mais plutôt qu'elle s'oriente (peut-être volontairement) vers un spectacle à hauteur des monstres plutôt qu'à hauteur d'hommes. Même lorsqu'on veut nous montrer le point de vue de certains humains, c'est souvent de loin, avec une vue bien globale de l'action. Rien d'impressionnant, là où, de mémoire, Godzilla (2014) nous plaçait parfois juste aux pieds des monstres (il me semble). Même si le gros de l'action peut être comme présenté dans GvsK, ça ne coûte pas grand-chose d'ajouter quelques plans plus vertigineux, non ? J'aurais trouvé ça plus appréciable, en tout cas.
Pour ce qui est de la bagarre en elle-même, on ressent bien les coups et la puissance des forces à l’œuvre. La mise en scène, si je la trouve donc trop banale, est suffisamment claire pour qu'on comprenne ce qui se passe à l'écran (ce n'est pas toujours le cas dans les films d'action), et les chorégraphies sont assez sympathiques. Malgré tout, je trouve une certaine lassitude dans ces combats. C'est certes impressionnant, mais l'intérêt est assez vite limité... Car au bout du compte, hormis de voir deux têtes d'affiches se mettre sur la gueule, il n'y a rien d'hyper novateur dans ce qu'on nous présente. N'est-ce pas la même chose chez les super-héros, me direz-vous ? Pas tout à fait faux, mais tout dépend des films, encore une fois. L'intérêt réside souvent dans la mise en scène qu'offrira le réalisateur, ainsi que dans le développement des personnages et la façon dont les affrontements sont amenés dans l'intrigue.
Comme je l'ai dit, il y a quelques idées de mise en scène sympa dans ce film, notamment les vues fixes "immersives" avec un bateau qui chavire et Kong attaché à celui-ci qui lutte pour ne pas se noyer, un avion qui décolle à l'arrache avec Kong en arrière-plan, ou encore la caméra qui fait un 360° vertical en partant vers l'arrière (il doit y avoir un terme technique...). Ces quelques idées et d'autres permettent de sentir qu'on a affaire à un peu plus qu'un spectacle de blockbuster de base, mais pas non plus un chef d’œuvre absolu.
C'est bien le but de ce genre de films de nous montrer du gros spectacle, mais, il nous le prouve d'ailleurs lui-même, on peut aussi trouver grand intérêt dans d'autres scènes (Jia/Kong). Ce qui fait le cœur de Godzilla vs. Kong est certes l'action pure et dure, mais je n'ai pas trouvé ça extrêmement marquant, même si je ne dénigre pas le plaisir de voir ces combats. Le film a l'intelligence (ou pas, c'est peut-être aussi une limitation de budget) de ne pas s'éterniser sur ces phases, qui ont juste la bonne longueur, dirais-je. On enchaîne deux combats à la fin, certes, mais ils ne sont pas trop longs et sont clairement séparés.
L'absence de réelle tension ou de jeu sur la mise en scène avant les combats ne permet pas d'ancrer vraiment ce film dans la mémoire. Le truc qui m'a vraiment marqué, ce sont les scènes qui développent le personnage de Kong, c'est à dire en dehors de ses scènes d'action. C'est con, d'ailleurs, je trouve que ce film-ci le fait mieux que Skull Island, qui tentait certes de développer un peu l'humanité du personnage, mais s'avérait assez limité. Ici, c'est à la fois surprenant et cohérent, dans la mesure où il communique par un moyen inspiré de la réalité.
Bref, je ne dit pas que l'action est ratée, juste qu'elle manque d'un truc pour la rendre vraiment intéressante et marquante : sur ce point-là, on rejoint donc des films à grand spectacle qu'on a déjà vu plein de fois, et si c'est toujours divertissant, ça ne dépasse pas ce stade-là.
Un autre défaut que je soulignerai avec de finir, parce que je vais pas passer ma vie sur cette critique déjà bien trop longue : Godzilla. Déjà, et même si ça ne remet pas nécessairement en cause son attitude dans ce film ou dans les précédents, je le trouve un peu trop hyperactif dans cet épisode, comparé aux précédents. Il bouge vite, il utilise très (trop ?) souvent son souffle de la mort, là où en 2014 c'était vraiment amené juste quand il fallait et ça bougeait de façon à nous faire ressentir la taille et le poids des corps en mouvement. Je le souligne peut-être trop, mais vraiment, en 2014, ça avait de la gueule et c'était réaliste. Bref il me paraît étonnamment vif et agile par rapport à ses précédentes apparitions. Cela permet certes d'avoir des combats ultra dynamiques, mais quid de la cohérence ?
Bon, mais s'il n'y avait que ça, ça ne m'aurait pas vraiment gêné, après tout on est là pour le spectacle. Mais, et c'est bien moins pardonnable à mes yeux : si Kong est largement mis en lumière dans ce film, permettant même de le développer davantage que dans son propre film solo, Godzilla, en revanche, est relégué en arrière-plan, sans aucun développement... C'est dommage, car si ses actions sont certes plutôt justifiées par ce qui se passe dans le film, et qu'on se pose quelques questions en première moitié de métrage, il n'y a en réalité pas grand-chose à se mettre sous la dent pour développer un tant soit peu. C'est certes plus facile à dire qu'à faire, car Kong est plus humain, et donc plus facile à humaniser à l'écran que son adversaire. Mais là il n'y a absolument pas d'effort pour faire quoi que ce soit d'intéressant avec Godzilla, hormis lui trouver un prétexte à se battre contre Kong.
Et à se battre avec Kong. Le troisième protagoniste titanesque, Mechagodzilla, n'est pas trop mal amené si on fait abstraction des facilités employées pour terminer sa mise en œuvre (le fameux téléchargement de données depuis le centre de la Terre, puis ensuite le coup de la création qui devient hors de contrôle), et son rôle devient celui du véritable méchant de l'histoire, qui viendra unifier nos deux héros pour notre plus grand plaisir. Le combat est sympa à voir, Kong et Godzilla faisant preuve d'intelligence en usant chacun de leurs forces pour venir à bout de leur ennemi commun.
Pour finir, que reste-t-il une fois qu'on a terminé ce film ? Une expérience sympathique, surprenante sur certains points, pas forcément ceux que j'attendais en revanche. L'action est divertissante, oui, assez réussie dans son style, mais je préférais largement l'utilisation des différences d'échelle que proposaient les films respectifs de Godzilla en 2014 et de Kong en 2017. Le film semble ouvrir la voie à une/de potentielle(s) suite(s), et je serais notamment curieux d'un film qui prendrait place dans le dernier lieu présenté, pour peu que la qualité visuelle ET de mise en scène soit maîtrisée, sans forcément sacrifier le développement des personnages. Kong est un bon exemple de ce qu'on peut faire de surprenamment bon dans ce film-ci, tandis que Godzilla est simplifié, banalisé au possible.
Une expérience sympa, pas inoubliable, mais plutôt réussie malgré une tendance à la banalité. C'est un peu décevant en regard de ce que j'attendais, mais ça aurait pu être pire !
Et après tout ce que j'ai dit, même en soulignant encore une fois que ce que j'ai le plus apprécié dans ce film, ce sont les moments partagés entre Jia et Kong, je me pose une question : un film de monstres sans humains, ça donnerait quoi ? Un pur spectacle de 2h avec uniquement Kong et Godzilla (et autres monstres si vous voulez), sans tergiverser quinze ans avec des personnages humains dont on a n'a pas forcément grand-chose à faire à la base, ça donnerait quoi ?