Avec une quinzaine d’œuvres à son compteur en une vingtaine d’années, Fatih Akin est un homme productif avec un film par an en moyenne.
Son dernier effort est une adaptation du roman éponyme d’Heinz Strunk et retrace le parcours du tueur en série Fritz Honka.
La bande-annonce laissait présager une approche décalée, composée de personnages atypiques, ponctuée d’instants violents. Les retours des spectateurs annonçaient une œuvre choc !
Dès les premières minutes, l’auteur donne le ton avec un plan fixe au sein de l’antre de l'homme et les sévices qu’il va faire subir à sa victime. Étonnamment, la scène alterne entre instants glaçants et situations risibles.
Cette démarche se retrouvera tout au long du récit. Chaque lieu est, d’ailleurs, associé à un ton spécifique.
Le bar, de par la foule qu’il accueille, navigue entre tristesse, désespoir et gaité. Il permet au spectateur de prendre du recul sur les atrocités visionnées, mais aussi de comprendre le contexte historique de la société allemande à cette époque.
L'appartement est un lieu de Mort. Lorsque nous sommes amenés dans cet endroit, il est rare que le dénouement soit heureux. Pour autant, il est un passage obligé pour comprendre l'homme, sa psychologie et ses tourments.
Les autres lieux, bien que rare, permettent de le suivre dans son quotidien et d’observer son masque social. On découvre comment il réussit à s’intégrer dans son milieu et le regard que lui porte les autres.
Bien que personnage central du récit, Fritz Honka n’est pas le seul à capter notre attention. En effet, ses victimes ne sont pas de simples âmes anonymes ne faisant que remplir un rôle cinématographique. Elles ont un passif, qui les ont amenés jusqu’au Golden Glove, et, in fine, entre les mains du meurtrier.
En s’attardant sur ces personnes, l’auteur nous permet de comprendre la société allemande des années 70, notamment la place des femmes en son sein, et de créer de l’empathie pour celles-ci. Il accentue aussi l’aversion que nous ressentons pour l'homme. Il est un être faible, alcoolique, incapable de satisfaire autrui et reportant ses frustrations sur des personnes vulnérables.
En parallèle de la trajectoire du tueur, l’auteur injecte une intrigue d'adolescents entre un garçon timide et une fille indisciplinée.
Malheureusement, cet aspect du scénario n’a que peu d’intérêt au sein de l'histoire. Certes, elle permet de se faire rencontrer Fritz et cette jeune femme. Elle amène ainsi une fixation, et des fantasmes, qui seront abordés et exploités tout au long du film.
Pour autant, cela aurait pu être traité différemment qu’il n’en aurait pas altéré notre perception de l’ensemble. Au contraire, en effaçant la présence du garçon, et en faisant évoluer cette demoiselle de manière identique, cela aurait été tout autant cohérent d’un point scénaristique et surtout moins artificiel.
Outre le travail scénaristique et la retranscription d’une époque à travers les personnages, l’auteur réussit à nous interpeller via sa mise en scène classique mais intelligente.
En effet, là où certains artisans auraient abordé les mises à mort de manière frontale, voire racoleuse, Fatih Akin opte pour le hors champ dans ses moments les plus violents. Loin de perdre en viscéralité, le travail sur les effets sonores, dans ces moments, permettent aux spectateurs d’imaginer toutes les horreurs subis par les victimes. Entre les mutilations à l'arme blanche, avec une bouteille ou encore les humiliations, les sévices endurés en feront grincer des dents plus d’un.
Au final, Golden Glove est autant le miroir d’une Allemagne en pleine Guerre Froide que le parcours sinistre d’un tueur répugnant. Une œuvre maîtrisée qui continue de nous hanter bien après la projection.