La Guerre des Rose du Missouri ( Spoilers )
David Fincher est un cinéaste virtuose et passionnant qui s'est imposé comme un des meilleurs faiseurs de son époque, il dispose d'un style propre et inimitable ainsi que d'un amour inconditionnel pour les Thrillers, genre qu'il continue de magnifier. Il est important de tout d'abord faire un point sur sa carrière car Gone Girl est sans conteste l'apothéose et la synthèse de celle-ci.
Débutant avec la réalisation du très bon et très mésestimé Alien 3 ( qui est selon moi bien supérieur au deuxième opus ) il posait les bases de la première partie de sa carrière car on distingue bel et bien deux parties dans sa carrière. La première s'impose par un style poisseux et glauque qui trouvera sa fulgurance dans l'excellent Seven, brillant thriller mais qui est bien trop prévisible voire téléphoner dans son final car jusqu'à présent chaque films de Fincher ont des défauts évidents comme le sympathique The Game qui contient trop d'incohérences, le très bon Fight Club qui est trop grandiloquent et didactique dans son twist final et l'efficace Panic Room qui vient clôturer la première partie de sa carrière mais qui est parfois trop maniéré. Ensuite il débute la deuxième partie de sa carrière, une partie plus mature, plus stylisée et moins énervée mais qui est aussi plus enclin à la virtuosité chose qui adviendra avec le très bon Zodiac même si il souffre de quelques de longueurs, le film est formellement superbe avec sa photographie sublime et ses images qui imprègnent la rétine. Après ça on a eu le bon Benjamin Button mais qui souffrait de beaucoup trop de longueurs même si Fincher s'attaquait pour la première fois au romantisme, chose qu'il explorera encore par la suite. Ensuite Social Network fut un biopic brillant mais maniéré tandis qu'il eu sa première fulgurance de la nouvelle partie de sa carrière avec l'excellent Millenium. Fincher déjoue tout les pièges du remake pour surpasser l'original en tout points mais même si l'ensemble est déjà-vu et donc prévisible, Fincher s'intéresse à une forme de romantisme acerbe qui n'était qu'effleurer dans la version originale, ce qui donne un aura fascinant au film.
Donc Fincher n'avait jamais créer la perfection jusqu'à Gone Girl car après avoir vu le film je me suis poser la question, qu'est ce qui ne va pas dans ce film ? Et la réponse est rien. Tout est parfait, Fincher mélange tout ses amours dans un même film, que ce soit ses personnages féminins ambigus qui jongle constamment entre force et faiblesse, que ce soit ce romantisme mystique et dérangeant ou encore ce jeu de piste et de faux semblant, tout y est pour nous offrir un spectacle total. Et surtout tout est parfaitement doser, que ce soit dans le rythme impeccable qui ne crée aucune longueurs malgré les 2h30 de film, dans le montage ingénieux qui distille les pièces du puzzles avec intelligence et qui multiplie brillamment les points de vues ou encore cette fantastique BO de Trent Reznor et Atticus Ross qui accompagne le spectateur de façon pertinent avec ses musiques d'ambiances qui prennent aux tripes et qui correspondent parfaitement à la confusion des sentiments des personnages.
Le scénario quant à lui n'est jamais là ou on l'attend, écrit par Gillian Flynn qui adapte ici son propre roman, celui-ci est intelligent distillant d'abord un jeu de piste stimulant pour découvrir la vérité en multipliant habilement les retours dans le passé et en créant une image presque parfaite du couple. Ensuite le film fait la révélation au milieu du film, ce qui de prime abord déroute mais qui se révèle au final le choix le plus judicieux du film. Ce retournement est en somme assez prévisible mais il s'intéresse avant tous à faire une déconstruction habile et pessimiste du couple et du mariage. Pour ce faire, le film déploie un magnifique jeu d’apparences, on ne sait jamais qui est vraiment la personne en face de nous, avec qui nous partageons notre vie et ici le film va poser des questions pertinentes et terrifiantes nous présentant les deux versants d'une même histoire. L'histoire est donc celle d'un couple en perdition mais que ce soit le mari qui soit un tyran ou la femme qui soit une manipulatrice perverse et sociopathe ( les deux pistes de réflexions du film ), à la fin il n'y a pas de vainqueur, ou du moins pas pleinement. Et ce jeu de manipulation qui prend très vite des airs de parade nuptiale et maîtrisé jusqu'au bout en allant même dans les recoins les plus noirs de l'âme humaine et fait un parallèle judicieux avec les couples de tous les jours, le film se sert des extrêmes pour souligner plusieurs tristes réalités qui seront toutes exploitées à merveilles dans un final brillant, nihiliste et inattendu. Néanmoins le film est aussi très drôle, il utilise l'humour noir non pour présenter une tragédie comme un des personnages appelle cette histoire mais pour nous présenter une farce. Une farce cruelle et terrifiante qui bascule dans l'horreur en employant des thèmes comme le sacrifice, la soumission à l'autre et l'acculement avec une satire très juste des médias et de leurs pouvoirs de manipulations des masses. C'est une spirale infernale qui se déploie devant nous, elle est d'une précision absolue et le film arrive néanmoins à être accessible à tous, tout en étant très exigeant dans son propos ce qui en fait réellement sa force, entre film d'auteur et divertissement de masse ce qui fait que son message sera d'autant plus fort.
Le tout est soutenu par un casting exemplaire avec en tête Rosamund Pike, elle est sensationnelle dans ce qui est assurément le rôle de sa carrière, elle crève l'écran à chacune de ses apparitions. Ben Affleck lui aussi signe son meilleur rôle dans une interprétation minimaliste et mystérieuse bien plus compliquer à jouer qu'il ne le laisse paraître. Et les deux stars sont accompagnés d'un ensemble de seconds rôles excellents comme Neil Patrick Harris qui prouvent qu'il est à l'aise dans tous les styles.
Pour ce qui est de la mise en scène de David Fincher elle est tout simplement parfaite, que ce soit dans cette introduction mystérieuse qui multiplie les images à la vitesse de battements de cils, ces plans somptueux soutenu par une photographie léchée ou ses mouvements de caméras ambitieux et virtuoses. Tout est géré à la perfection à tel point que l'on à l'impression que c'est devenu trop facile pour Fincher car l'ensemble est d'une évidence qui laisse admiratif, pourtant il ne fait pas dans l’esbroufe, il fait au plus simple mais il le fait de manière virtuose. Du travail d'orfèvre tout simplement.
En conclusion Gone Girl est assurément le chef d'oeuvre de David Fincher, c'est la synthèse parfaite de sa carrière ou il prend tous ce qui fait le sel de son style et l'élève à un niveau jamais atteint. C'est une oeuvre intelligente, cruelle et exigeante mais qui se trouve aussi être accessible et ne cède jamais à la facilité. Tout est à sa place et tout sonne comme l'évidence même, une leçon brillante de cinéma et il serait criminel de passer à côté d'un des meilleurs films de l'année.
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