Enfin un rôle pour Rosamund Pike

David Fincher a encore une fois fait très fort avec ce thriller et ce drame d'apparence très classique mais d'une puissance rare.
En effet, visuellement, rien ne semble vraiment sortir de l'ordinaire. On pourrait presque qualifier la réalisation d'assez académique. C'est toutefois une fausse première impression : Fincher se cache sous des polices d'écritures épurées et des cadrages classiques mais il se trahit souvent. Tel plan semble ordinaire mais est extrêmement travaillé, tel autre comporte un gros plan sur le visage d'un personnage qui ne veut absolument plus dire la même chose lorsque l'on se place au début ou à la fin du film ...
Même la photographie joue à ce jeu : il y a eu beaucoup de travail dessus pour qu'elle soit belle mais qu'elle n'empiète pas sur le récit. Et je pense que c'est justement là l'intention de Fincher et de son équipe : empêcher que le visuel prenne le dessus sur la psychologie, les personnages et l'histoire mais tout en gardant à l'esprit qu'il faut donner à voir un film beau visuellement.
Cet aspect n'est donc pas négligé mais tout est fait pour qu'il paraisse discret.

Ce parti-pris, qui fonctionne ici, a donc pour but de laisser une place plus grande à cette histoire de disparition et des conséquences sur le mari de la disparue et son entourage.
La critique est claire ici : les médias piétinent la présomption d'innocence et c'est un danger pour tout le monde. Critique qui s'entend parfaitement et qui a des échos dans tous les pays occidentaux. Et, mais c'est mon humble sentiment, cette critique est plus présente que celle sur la déliquescence d'un couple marié.
Et pour que cette critique soit écoutée, on a le droit à un scénario en béton armé mêlant les visions du mari puis de la femme. Deux points de vue pour une même histoire mais le procédé n'est pas celui du "on reprend la même scène de différents points de vue" : ici, il n'y aura pas de redite, on ne reverra pas 2 fois la même scène. Non, on aura 2 visions d'une même histoire mais pas d'une scène en particulier. Je ne sais pas si je suis très clair mais l'important dans tout ça c'est que cette technique permet des rebondissements réguliers et une absence de répétition.

Mais le plus intéressant ici, ça reste les personnages. Les personnages principaux d'abord, incarnés par Ben Affleck et Rosamund Pike, qui ont chacun de quoi captiver l'attention du spectateur et qui donnent envie d'en savoir plus sur leur sort.
Je ne pourrais vous en révéler d'avantage sur ces personnages sans vous spoiler le film ce qui serait vraiment dommage donc je vais m'abstenir et simplement souligner ma satisfaction de voir que Rosamund Pike s'est enfin vue proposer un rôle à la hauteur de son talent et qu'elle ne déçoit pas une seule seconde. Sa performance, comme celle de Ben Affleck, est impressionnante. J'espère la voir encore longtemps dans de tels rôles car elle mérite d'être connue et reconnue.
Les personnages secondaires ensuite ne sont pas négligeables. Tous apportent une certaine ambiance au film. J'ai notamment bien aimé la soeur jumelle du mari suspect, incarnée par Carrie Coon, sarcastique mais qui est une des rares à avoir les pieds sur terre. Même chose pour l'inspectrice de la police incarnée par Kim Dickens, impliquée, loin d'être naïve et persévérante.
Certes, les personnages secondaires ne sont pas tous aussi immémorables les uns que les autres mais ils font tous avancer le récit dans la bonne direction.

On ressort de ce récit en ayant pris une petite baffe mais en ayant surtout en tête plein de plans et de scènes et le sentiment d'avoir assisté à un grand film à la psychologie particulièrement intéressante. En tout cas, l'un des meilleurs de l'année 2014.