Ce que Good Boys met en scène s’avère certes drôle, mais surtout terrifiant. Ses couleurs criardes sous perfusions pop culture, sa sexualité outrancière qui suinte de chacun de ses pores, son montage clipesque, tout cela participe d’un même refus de l’innocence, ou alors d’une innocence dont les bribes surnagent parmi les flots d’obscénité dont est vecteur le monde contemporain. En ce sens, le film prend le contre-pied de la série Sex Education : ici nulle prétention pédagogique, mais de l’excès en veux-tu en voilà, jusqu’à plus soif. Ce faisant, il propose une véritable cartographie des transgressions aujourd’hui lieux communs des teen movies à la mode : alcool, drogue et sexe sont ancrés dans la banlieue pavillonnaire américaine privée de ses figures parentales – convention propre au genre en question – et ne choquent pas même des garçons âgés de sept ans qui mêlent premier amour avec sites pornographiques, sextoys et voyeurisme.
C’est dire la confusion générale qui règne dans le rapport du pré-adolescent à son corps et à celui des autres : la banalisation de la sexualité doublée de l’exhibition de sa frange la plus vulgaire et dégradante déforme les enfants au point d’en faire des petits adultes maladifs et complexés. Il suffit de voir nos héros participer à une soirée vêtus de chemises, de blaser de cuir, une bière à la main, pour rester bouche bée devant un bien triste spectacle. La fin achève de confirmer ce malaise : le groupe d’amis se dissout, les regards lourds de regrets, teintés d’une mélancolie impropre et néfaste. Avec Good Boys meurt l’innocence de l’enfance, avec Good Boys se réverbèrent non sans outrance les dérives de nos sociétés occidentales qui, sous prétexte de soutenir l’individu dans sa différence fondamentale – cf. le groupe de soutien contre le harcèlement à l’école, délectable ! –, façonne des solitudes plus vertigineuses encore, plus précoces surtout.
Si son refus de dépasser le simple postulat de pochade outrancière empêche l’œuvre de développer un véritable propos critique, et ainsi de penser l’humour comme une arme apte à révéler la monstruosité contemporaine sans, en contrepartie, y prendre part – d’une certaine façon, le film se complaît dans ce qu’il pointe du doigt –, Good Boys a le mérite de pousser la mécanique de la comédie teen movie dans ses retranchements les plus extrêmes. Car cet amoncellement de vulgarité parle de notre présent, de ce présent qui troque sa partenaire contre une poupée gonflable, ou la carte collector d’un jeu de société contre des dollars.