Hors-sujet.
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le 13 août 2023
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Après Bienvenue à Gattaca et Lord of War, Andrew Niccol et Ethan Hawke signent avec Good Kill une troisième collaboration. Un récit qui nous entraîne sur le terrain de la guerre moderne avec l’utilisation des drones de combat et alterne avec le quotidien professionnel et personnel d'un soldat de l'us air force.
Au-delà de ce postulat de départ, le cinéaste va surtout se pencher sur les avantages et les inconvénients de cette technologie militaire, les conséquences sur les soldats et leurs dilemmes moraux, les conséquences sur le pays qu'ils défendent, mais aussi sur l'ennemi, au-delà des dommages mortels que cette arme à la capacité de lui causer.
Dans un souci de réalisme et de crédibilité, le réalisateur traite son sujet de façon très documenté en employant un jargon technique comme "frappe personnalisée", "frappe signature", "opération de suivi" ( qui indique une seconde attaque sur les personnes qui viennent secourir les victimes de la première même si ce sont des civils) ou "réponse proportionnée". Un parti-pris également utilisé en toute logique dans la mise en scène, Andrew Niccol va filmer les attaques des drones à la première personne comme un FPS dans les jeux vidéo(le lien avec ce support est clairement établi dans le film) afin que le spectateur soit le premier témoin de cette guerre à distance et de l'impact émotionnel causé. Il va aussi mettre sa caméra en gros plan sur le visage des pilotes pour capter leurs émotions. On évite par conséquent les combats au sol ou tout effet spectaculaire pendant les attaques qui démontre la froideur dans laquelle l'action à distance est effectuée. On assiste à une bataille 2.0 et à la déshumanisation des valeurs guerrières du soldat.
Une déshumanisation que l'on retrouve notamment dans les relations hiérarchiques, le colonel et l'unité qu'il dirige reçoivent les ordres de la CIA par téléphone, d'une simple voix, utilisant un pseudonyme et qui par "sécurité" nie toute implication des missions dictées par l'agence, également dans les critères d'élimination qui ne sont plus basées sur les preuves ou des soupçons de culpabilité, mais sur une simple étude comportementale effectuée à Langley ( la frappe signature) sans prendre en compte les dommages collatéraux.
Ethan Hawke interprète avec une grande justesse l'antihéros qu'est le commandant Tom Egan. Malgré son sens du devoir et de la hiérarchie, malgré ses compétences et sa précision lorsqu'il est derrière son écran en train d'effectuer ses manœuvres, on sent chez lui un profond mal-être. Lorsque le cinéaste filme en gros plan, on y voit de la tension et une énorme frustration, les traits du visage sont extrêmement tendus. On pourrait penser à première vue que c'est dû à la concentration nécessaire pour effectuer sa mission, c’est en fait un soldat mort que l'on observe, pas physiquement, mais dans l'âme, qui n'a plus de dignité, car enfermer dans une routine quotidienne.
C'est un pilote qui ne se reconnaît plus dans son métier. Il respecte un code et des valeurs qui ne sont plus du tout en phase avec ces nouvelles méthodes. Selon lui peu importent les difficultés et la souffrance, le guerrier doit aller sur les champs de bataille, affronter l'ennemi à bord de son avion et non pas installé tranquillement derrière une console dans un préfabriqué en toute sécurité. Tom Egan a besoin de ressentir cette peur qui fait partie intégrante de son métier, afin d'être digne de sa fonction autant que de son statut d'homme. Un besoin vital qui lui permet de concilier et d'assurer son travail et sa vie de famille, un besoin dont il est privé aujourd'hui. Une routine qui va l'entraîner dans une descente aux enfers avec l'alcool comme seule bouée de sauvetage et mettre en danger l'équilibre de son foyer.
C'est finalement dans cette redondance quotidienne que l'on peut trouver des défauts au film car si elle tue à petit feu le personnage principal, le film étant assez atypique dans son traitement, cela peut avoir le même effet sur son spectateur (ce que personnellement je n'ai pas ressenti). Voir Tom Egan aller au boulot, rentrer chez lui, se disputer avec sa femme, boire sa bouteille, etc… Faire la même chose tout le long du métrage en rebutera certains. De plus, Andrew Niccol prend tout son temps pour filmer ses plans, le montage n'est pas du tout dynamique mais tous ces éléments qui en apparence peuvent être associer à des défauts nous permettent finalement de mieux comprendre ce personnage qui malgré tout est loin d'être parfait en tant que mari et en tant que père. Un autre point négatif peut-être souligné c'est le traitement en surface des rôles secondaire qui n'évoluent pas et restent très fermé sur leurs positions
Finalement, Good Kill nous rappelle dans une certaine mesure l'American Sniper d'Eastwood d’un point de vue opposé. Là ou il retranscrivait la vision de son protagoniste Chris Kyle, l'œuvre de Niccol représente sa propre opinion (bien que trop didactique), dresse un constat cynique et objectif de la guerre d'aujourd'hui, ainsi que la politique gouvernementale dictée afin de la remporter, quelles que soient les pertes humaines adverses.
Si tous ceux qui ont vu le film l’avaient adoré, je me serais dit que j’avais échoué : je cherche à susciter des réactions et des commentaires, et à bousculer le spectateur – pas à le caresser dans le sens du poil !Je relate une réalité qui dérange, et c’est bien pour cela que l’armée ne m’a pas du tout soutenu dans ce projet.De toute évidence, les militaires ne tiennent pas à se mobiliser pour un film qui ne les présente pas sous leur meilleur jour.
Les drones permettent de réaliser des frappes chirurgicales et ciblées, de minimiser les coûts financiers et les pertes humaines alliés, mais a contrario, le film pose une problématique intéressante et qui ne concerne pas seulement le conflit Américain / Moyen-Orient :
Les bombardements continuels ne contribuent-ils pas justement à engendrer le terrorisme et à entretenir ce cercle vicieux ?
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Créée
le 12 mai 2016
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11 commentaires
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