Good News
6.4
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Film de Charles Walters (1947)

Ça parle en français avec un accent délicieux à tour de bras, avec un garçon qui sort de cours avec des « je t'aîîîme, je t'adôôre », une petite au sourire dévastateur et un brin masculine absolument adorable qui se met à donner des leçons de vocabulaire pratique pour le simple plaisir de chanter en français : « a wood, du bois [prononcer bôaah] » ; et on va jusqu'à ce qui a tout du rap avant l'heure, dans une déclamation effrénée du français à la prosodie un rien forcée et rythmée en diable.

Et c'est sans compter sur le gorille féru de psychologie qui utilise avec la maladresse la plus attendrissante les idées de « schizophrénie », de « complexe de culpabilité », et de « double personnalité ».
Le gorille qui démonte méthodiquement la voiture de son ami dans une démonstration complètement injustifiée de son pouvoir de destruction lorsqu'il est jaloux. Une petite scène d'une lourdeur peu commune (l'acteur est tel-le-ment mauvais !) mais qui m'a paradoxalement totalement réjoui.

Parlant de psychologie, je repense à John Ford qui pour « Le Massacre de Fort Apache » avait fait écrire la biographie de tous les personnages de son film, jusqu'aux rôles les plus secondaires, afin d'avoir un maximum de réalisme et de logique dans ses protagonistes, et là je me dis que le film pèche salement. Les réactions de tous ces personnages sont si peu crédible qu'on finirait par se sentir un peu insulté, vexé peut-être, par ce film « incorrigible [en français dans le texte] » qui ne cesse jamais de s'en prendre à l'intellect de son pauvre spectateur.

Mais plus encore, la petite poule du gorille, Babe, qui est éprise d'un avorton qui n'a rien pour lui et qui en plus la repousse (non mais, sérieusement, ils oseront tout), et qui va être délicieuse d'un bout à l'autre, en surgissant de nulle part, avec ses petits sourires un brin vicieux, mmmhh !

Et ce numéro indien qui arrive comme un scalp sur le brouet, on touche à la limite du nanar, c'est drôle. La question de savoir si ce ne serait pas un peu le ridicule de la scène qui la rendrait comique plutôt qu'une quelconque volonté du réalisateur nous traverse l'esprit à la manière du passe-muraille, dont j'ai vu la sculpture il y a peu : il/elle reste à moitié coincé, passé(e) et pourtant pas parti(e), pour un effet laissant tout à fait perplexe.
Sérieusement, ces imitations bon marché des percussions, des danses, c'en est presque raciste tant c'est ridiculement caricatural. D'ailleurs on sent bien qu'il n'y a aucun respect d'une quelconque musique traditionnelle réelle, on a droit à un moment à une envolée mélodique pentatonique dans un style très asiatique qui me semble incroyablement, fantastiquement inadapté, mais qu'importe !
Et l'on me pardonnera la déformation professionnelle, mais l'effet est simplement trop adorable pour être laissé sous silence : on sait que la comédie musicale use de tous les artifices et de toutes les tricheries possibles, et que si l'on préfère la plupart du temps et lorsque la situation le permet avoir la source sonore à l'écran (musique diégétique), on s'autorise tous les débordements imaginables. C'est le cas ici dans ce qui me paraît être une très intéressante manifestation d'un élément basique de la psychologie du cinéma : les tambours indiens, ces percussions caractéristiques, on en voit la source à l'écran. Ce sont... les tabourets ! Si l'on observe avec ses yeux et ses oreilles, on s'aperçoit que ce son est censé être produit par les acteurs tapant en rythme sur leurs tabourets de bar ! Incroyable d'innocence ! D'ailleurs lorsque ces acteurs et actrices se remettent à danser, abandonnant leur rôle de musicien, peut importe, les tambours continuent !
C'est quand même fou ce que le cinéma peut nous faire gober sans que l'on tique une seule seconde.
Notons en revanche que là où tout homme sensé tiquera, c'est sur le fait que particulièrement durant cette scène, toutes les poules sont simplement laides, à croire que toutes les jolies figurantes de Hollywood étaient retenues sur le tournage de Cluny Brown et de Philadelphia Story. Ce qu'on appelle « faire les fonds de tiroir » ou je ne m'y connais plus.

Alors bien sûr, le scénario n'est pas crédible un seul instant, la musique est comme à l'habitude des comédies musicales classiques assez mauvaise et sans fantaisie aucune (c'est dire s'ils nommaient n'importe quoi à l'oscar), les acteurs sont presque tous et toutes médiocres (malgré un casting de qualité, je veux dire, des physionomies caricaturales bien adaptées dans la plupart des cas), on sent bien que c'est pas Donen à la réal ; ni Gibbons à la direction artistique et le technicolor en pâti certes un peu, mais, foutredieu, ça reste tout à fait agréable si on en attend pas des montagnes !

Un bon petit film du Dimanche soir en somme, qui a eu à subir ici bien des affronts pas toujours mérités.
(Même si je dois bien avouer que je vais de ce pas aller me laver les oreilles avec une petite BO de WSS, juste par précaution).
Adobtard
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le 21 avr. 2013

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