The Gorgon aborde sa créature mythologique comme une allégorie de la femme fatale qui change les hommes qu’elle regarde et ravit en pierre, allégorie qui sert ici une peinture mélancolique d’un scientifique, interprété par Peter Cushing, ne parvenant à avouer ses sentiments à celle qu’il aime. La mise en scène de Terence Fisher, des plus subtiles, veille à séparer le docteur de son assistance : leurs regards ne se croisent jamais ou à de rares occasions, leurs corps sont souvent dos à dos, comme ce plan mémorable au cours duquel Namaroff, assis, se situe à gauche du cadre et regarde hors du champ alors que Carla Hoffman se situe à droite, tous les deux nets pourtant. Le docteur apparaît tel un personnage gouverné par la peur mais qui substitue l’ignorance et l’aveuglement à l’acceptation du surnaturel.
Le film met ainsi en scène une « conspiration du silence et de la peur », rejouant le cliché de la bourgade mutique dans laquelle tout se sait mais rien ne se dit ; les habitants sont d’emblée sclérosés, figés dans des postures qu’ils répètent du matin au soir, et déambulent dans des ruines qui traduisent leur désarroi intérieur. La temporalité du village semble hors du temps, suspendue, régie par un monstre lui aussi atemporel qui souffre de sa malédiction, d’une malédiction inconsciente en ce qu’elle condamne la femme à une bipolarité destructrice et stérile. Ce n’est pas un hasard si l’annonce d’une grossesse suivie de la pétrification de la mère ouvre l’ensemble, plaçant The Gorgon sous le signe d’une tragédie de la fertilité qui gangrène un microcosme incapable d’affronter ses peurs.