Gothic se saisit de la genèse du Vampire et du Frankenstein de Shelley par le biais de l’imaginaire, délaissant justement l’impasse du biopic classique pour épouser les passions et le dérèglement inhérents à la création des artistes romantiques que sont Lord Byron, Percy Shelley, Mary Shelley, Claire Clairmont et Gaetano Polidori. La caméra mobile suit les corps dans leurs déplacements intempestifs et exagérés, comme engagés dans un mélodrame à mi-chemin entre la réalité et la fiction, entre le rêve et le cauchemar éveillé ; l’espace de la villa Diodati échappe à toute cohérence interne pour épouser la perte de repères des personnages, en témoigne la séquence de cache-cache au cours de laquelle Byron gravit les marches de l’escalier principal pour mieux, au plan suivant, surprendre Claire à la cave… Ken Russell donne à son film un rythme effréné et une liberté qui rappellent le geste d’un Andrzej Żuławski (Possession par exemple, sorti en 1981), jouant avec les anachronismes et avec les clins d’œil au cinéma de genre – pensons au générique d’ouverture, emprunté à Halloween (John Carpenter, 1978). Il s’agit, en somme, de foudroyer le spectateur comme le spectacle de la foudre fascine et inspire les artistes. Une sensation de trop-plein finit néanmoins par avoir raison de notre immersion dans ce voyage sous substances, rattrapée par un dernier quart d’heure mémorable. Une curiosité aujourd’hui méconnue.