2h17 pour un film tourné comme un documentaire, c'est un peu long. Alors bien sûr, le sujet est brûlant d'actualité, et il mérite pleinement d'être porté à la connaissance du public. On y découvre des personnages qui n'en sont pas car tous incarnent de "vraies" victimes abusées par le père Preynat, et tous ont une histoire douloureuse imputable en grande partie aux abus et aux souffrances qui leur ont été infligés par ce prêtre pédophile resté impuni durant des décennies. Et bien sûr, le cinéaste a choisi de coller à la réalité afin de ne pas trahir des personnes qui sont encore actuellement complètement impliquées dans la médiatisation de cette affaire.
Mais si l'on veut parler de l'objet cinématographique, on peut regretter que toutes ces contraintes aient en quelque sorte limité le champ des possibles du réalisateur. Rester pudique et respecter la dignité des protagonistes était sans doute un préalable; ça nous donne donc un long docu fiction dont toute la première partie se déroule avec une voix off qui lit les courriers et les mails (assez nombreux) échangés entre le premier plaignant et le cardinal Barbarin, offrant en illustration à notre regard des images peu dignes d'intérêt... Puis peu à peu, lorsque se crée l'association "La Parole Libérée" on entre dans le détail des existences bouleversées des témoins qui s'ajoutent à la procédure, on suit ces jeunes adultes cherchant à structurer leur action collective, alternant les dépositions, confrontations, déroulements de l'enquête et les flash-back des victimes, anciens scouts abusés. Une réalisation assez linéaire et sans surprise, sans voyeurisme, avec des scènes suggérées. Aucune des prestations scéniques n'est remarquable, chacun reste à sa place, "modestement", et au final même si on comprend combien les dégâts humains et collatéraux sont innombrables, on a un peu de mal à entrer dans une réelle émotion. Ce film parle à notre raison, questionne la société et son rapport à l'institution, remet en cause l'Eglise et l'omerta qu'elle organise sciemment, évoque de loin le Vatican et la posture ambiguë du pape, mais personnellement je trouve qu'il ne parle pas suffisamment à notre cœur en raison d'une réalisation trop lisse et documentaire. Médiatiser l'affaire pour que l'Institution se réforme de toute urgence est une nécessité. Ce film est un élément fort à verser au dossier du combat juste des victimes et c'était probablement le but de F. Ozon mais pour moi, il aurait mérité un travail scénaristique plus fouillé et ambitieux qui le fasse entrer au panthéon des œuvres qui marquent une époque.