Pris dans une vague, non, dans les serpillières rotatives d'une station de lavage. L'atmosphère est plantée. On sera dans le banal. "Quoiqu'on fasse, on arrive toujours trop tard" nous plante Eddy, jeune employé de pompes funèbres, qui n'arrive pas à s'y faire. Arrive George, joué par Bacri, je ne vous fais pas de dessin, il est identique d'une année sur l'autre, enfin, là il est top moumoute. On sera vraiment dans le banal.
Ça se passe pendant les fêtes, comme nous l'indiquent les déco de Noël et la musique niaise qui résonne dans le vide d'une grand rue lugubre et enneigée. Le boss de la société est désabusé, on ne le serait pas moins. Ses pompes funèbres partent à la dérive, l'ambiance est mauvaise, le quartier est en berne. On espère vite que des gens meurent pour qu'il se passe quelque chose.
Ce film dure 1 heures 28, générique compris, autant que ça avance. L'ennui est vite pesant, on boit des coups dans un restaurant asiatique faussement original. Puis vient un mort. A enterrer loin de ce bled. Là, on se dit qu'il va se passer plein de choses.
"C'est bizarre, cette immobilité, là" nous assène platement Eddy face au mort en préparation. Et oui, mon gars, un mort, ça reste là, bien tranquille, c'est fou, non.
Le désespoir à tous les étages, la morosité de l'ambiance, les ingrédients feraient passer un épisode de Derrick pour un grand moment du carnaval de Rio. Mais au service de quoi ? A quelle fin ?
Bon, là, il se passe un drame ! Il était temps. Mais ceci juste après que Bacri nous apprend qu'il est pleinement épanoui, en croque-mort donc, pour la 1 532ème fois en 40 ans de carrière. L'exploit.
Alors, ce drame ? Bah, il se passe, lentement, au ralenti, bien ancré dans la langueur d'un film mou. Qui touche-t-il ? On s'en fout complètement. Ça pourrait être important de comprendre, d'avoir de l'empathie pour ces personnages, mais non. Rien.
Alors on s'intéresse au pathos, à de la philosophie sans fond. Ici, le drame serait la grande immobilité : celle de la bêtise et celle de l'angoisse, de tout se qui nous saisit pour nous empêcher d'agir, d'avancer...
On attend longtemps du rebond, un soupçon d'action, mais en une nuit le froid, le gel ont fait leur travail de sape. Il ne se passe rien. Ou si peu. Des banalités. Du remplissage.
"La mort, c'est pas contagieux, c'est héréditaire", deuxième punchline, tout droit sortie d'un recueil de lieux communs dont regorge le film, récitée par un Bacri caricaturant Bacri, enfin par un Bacri, quoi.
Tout dure longtemps même les longueurs qui transpercent ce film où il ne se passe que mort. Elle-même qui passe par là et qui s'invite dans notre incroyable attente du générique de fin. Au bout d'une heure, on trouve finalement que le ridicule tue. Quand même les acteurs baillent et ont à expliquer aux autres acteurs une situation "incroyable", on ressent une forte émotion quant au manque de regard du CNC pour l'aide au financement...
Grand Froid est pathétique dans la recherche d'originalité. Il n'y a qu'une addition d'émotions molles ou terriblement jouée (voir l'angoisse de Bacri...) ou fausse. On se moque complètement des personnages comme le réalisateur se moque de nous. Il n'y a rien à saisir dans ce film portant tout de même sur la mort, pas de second degré, pas de portée philosophique. La mort et la vie nous sont servies dans un même plat tiède. Si l'on apprend rien sur la mort, malgré une fade tentative d'Eddy, on sait maintenant que ce qu'il y a au bout du tunnel, c'est le cinéma français, pas le paradis. Un cinéma au bout de ses conventions ratées, lâches et ridicules.
De même que l'on ne peut pas tuer la mort, on ne pourra pas tuer ce film car il n'existe que dans l'immuabilité du cinéma français. La mort peut frapper à tout moment, comme nous le rappelle si brillamment Bacri au top de sa méforme, heureusement le cinéma français lui ne frappe, pas très fort, que le mercredi, sans hasard ni surprise.
PS : Finalement, ce qui m'aura le plus amusé dans ce film est que les deux personnages principaux du film s'appellent George et Eddy, ce qui assemblés nous donne George Eddy, nom du célèbre et euphorique commentateur de matchs de basket. Voyez comme j'ai eu le temps de m'ennuyer...