A priori, il s'agit de l'unique "pure" comédie de son réalisateur, et à l'instar de Grand Li de l'histoire, Xie Jin a vraisemblablement voulu faire les choses bien et ne pas bâcler le travail.
Sa réalisation est vive, alerte et dynamique avec une caméra très souvent en mouvement et celle-ci n'opte pas toujours sur la facilité. Même léger, certains mouvements de grue font preuve d'un désir de trouver un axe original dans sa manière de gérer l'espace. Ainsi, c'est à la fois un vrai exercice de style sans tomber dans le démonstratif.
C'est marquant dès le début avec la présentation des personnages qui vivent dans le même immeuble, vaste décor construit en coupe où la caméra peut se déplacer d'un étage à l'autre. Pour autant, il n'en abuse pas et se contente de suivre la descente dans la cage d'escalier ou de glisser d'un palier à l'autre sans chercher à mettre deux familles dans le même plan. C'est assez révélateur de la logique du film que de vouloir confronter les points de vue au sein d'un même groupe.
La comédie lui permet de ne pas théoriser et le film apparait ainsi comme l'un des exemples les plus réussis sur la société communiste chinoise des années 60's (y compris dans le quotidien et l'organisation de la vie au travail). J'ai assez peu de point de comparaison évidement mais l'approche un peu loufoque permet d'aborder certains points que la censure n'aurait peut-être pas laisser passer avec un traitement plus sérieux. Tout le monde n'est pas parfait, il y a des planqués, des opportunistes, des fainéants, des individualistes... et la comédie donne l'occasion aussi d'adoucir la dimension de propagande sensée promouvoir les activités sportives pour le bien-être de la population.
Grand Li, Petit Li et vieux Li s'impose ainsi en divertissement rafraichissant et enlevée aux personnages savoureux. Pour l'humour, il ne faut pas s'attendre à du Billy Wilder ou du Monicelli bien-sûr, avec plusieurs gags assez faciles (l'enfermement dans la chambre froide) mais il y a quelques moments tout à fait charmant comme le cour de sport improvisé dans la bibliothèque (avec le faux geste des cheveux à repousser) ou lorsque le fils essaie de motiver son père à se mettre au sport et tapisse l’appartement de poster de vélo, courses, basket...
D'ailleurs, la direction d'acteur est excellente et tous les comédiens se révèlent très vite attachant. Le casting est d'ailleurs un défilé des grandes vedettes de l'époque. Pour peu, on regrette presque de ne pas retrouver davantage certain seconds rôles et que le film ne dure que 80 minutes. Ce qui est plutôt bon signe
Surannée certes, mais non dénuée de pertinence, de style et de caractère.
Grand Li, Petit Li et vieux Li fut son dernier film avant que la révolution culturelle ne s'acharne violemment sur lui à cause du pourtant très beau Sœurs de scènes.
Il fallut attendre 10 ans pour qu'il revienne derrière la caméra (pour des commandes imposées) et le début des années 80 pour qu'il retrouve enfin une indépendance et la reconnaissance internationale.