Se peut-il vraiment que les jeunes désœuvrés le soient autant et se droguent aussi facilement ? Ma question peut certainement sembler naïve, mais non, tout le monde n’est pas forcément au fait de ce que traverse toute une jeunesse à la marge de la start-up nation, une jeunesse hypnotisée par les paillettes de l’univers en toc du football et gangrénée par les trafics, devenus une activité d’une étonnante banalité. Evidemment, on n’habite pas tous la banlieue. Mais quand même, on a tous un encéphale calibré de la même façon, et le mien ne supporterait guère de se traîner d’un bout de la journée à l’autre sans la moindre croquette à se mettre sous la dent. Ce qui semble être le cas de nos deux jeunes héros de la cité, qui s’embarquent en RER dans une épopée de banlieue à leur échelle minuscule et transforment les paysages peu riants qui les entourent en terrain de jeu de cinéma. Les abribus, les chantiers, les quais de gare, les wagons, les tours et les transfos prennent des allures de décors de western dans cette histoire décalée qui finit par emporter l’adhésion à force de ne pas se prendre au sérieux avec le plus grand sérieux. Quand on entre dans la tanière complotiste qu’un contrôleur de la RATP biberonné aux X-files, c’est dans la poche, le 2nd degré a gagné et on est prêt à embarquer pour une déconnade géante qui n’oublie pas de brocarder quelques manies contemporaines qui peuvent sembler vénielles mais ne font que trahir la détresse morale d’une génération livrée à elle-même. Par des adultes absents, semble nous dire le film, qui les a évacués hors champ délibérément. Par des pouvoirs publics déshumanisés, comme l’illustre l’architecture glaçante des transports en commun de la banlieue parisienne. Et par des produits culturels abandonnés à la tutelle ambiguë des Etats-Unis, dont le procès devra certainement encore attendre quelques décennies, le temps que tout le monde saisisse vraiment le mal qui nous a été fait de manière tellement patente et donc finalement insoupçonnable. Au final, les paumés attachants de cette fable contemporaine en disent bien plus qu’ils ne semblaient capables de le faire, à première vue, et c’est aussi la force de cette fiction que de les rapprocher insensiblement d’un public qui d’emblée ne leur aurait prêté aucune attention. Pourtant, c’est vrai, ils la méritent amplement et la démonstration en est faite sans en avoir l’air dans la dernière partie, loin loin loin des clichés sur les jeunes de banlieue dont on aime tant nous montrer d’habitude la tchatche usante et la violence à peine voilée.