Jusqu'aux années 70, faire un film sur la F1 coûtait certes déjà très cher, mais c'était moins quasi impossible qu'aujourd'hui où Bernie Ecclestone a cadenassé les droits. Et Grand-Prix bon sang de bois que c'est jouissif pour un fan de Formule 1 : Outre un casting de choix, suivre toute une saison sur la bataille entre les meilleurs pilotes du monde, sur les circuits les plus prestigieux, une grande partie des images étant bien sûr tiré des vraies courses de la saison 1966, c'est un plaisir.


Prenons l'ouverture du film : Le Grand Prix de Monaco. Et là, que dire ? C’est… sensationnel, un vrai travail d’orfèvre. D’accord ils n’ont pas les contraintes d’une diffusion en direct, ils ont tout le temps de peaufiner les détails au montage et de tourner des séquences additionnelles dans les jours suivants mais, il n’empêche, la réalisation est simplement digne de celle d’un Grand-Prix de F1 moderne. Des caméras embarquées splendides bien avant la généralisation de ce procédé, des plans séquences pris d’hélicoptère, on ne peut pas être plus proche de l’action.


Un autre grand moment de la course est lorsque le britannique Aron tarde à laisser passer son coéquipier Stoddart, qui a un tour d’avance, s’accroche avec ce dernier. Et là, c’est carrément époustouflant, je pèse mes mots. Les deux accidents des deux voitures sont simplement parfaits. Même en ralenti tu n’as pas l’impression de voir un vieux mannequin pourri trimbalé dans la voiture, non, une chose est sûre c’est pas du Gérard Oury ! Aujourd’hui, un accident pareil serait sans doute fait en image de synthèses et ça se verrait.


Le patron d’Aron le tient pour responsable de l’accrochage avec Stoddart et le flanque à la porte tandis que le pilote Ferrari français Sarti célèbre sa victoire avec une pause clope bien méritée. On apprend à connaître les pilotes, Aron rongé par le remord, Sarti le sage plein d’expérience (aux répliques fort bien écrites), Stoddart qui lutte pour sa survie… Mais j’adore surtout le personnage de Nino Barlini, l’archétype du jeune italien souriant, cool, charmeur et très démonstratif. Toujours de bonne humeur, il s’extasie sur tout. En le voyant prêt à entrer dans une pièce je m’attendais presque à le voir dire « Mais que vois-je ? Une poignée de porte ? Épatant ! »


Histoire de se sentir plus immergé encore dans le monde de la F1, on peut voir des vrais pilotes en dehors des courses. Graham Hill à plusieurs reprises, Jochen Rindt, Bruce McLaren, et il y a même un bref passage où Fangio lui-même parle avec Sarti. Sans parler de la visite d’un musée automobile à Monaco, mais plus génial encore, la visite des véritables usines de Ferrari ! C’est un rêve pour le passionné de mécanique.


C’est aussi un film accessible aux néophytes car une journaliste suit Sarti une bonne partie du temps sur les circuits et lui pose des questions ingénues, ce qui permet de se familiariser à l’univers des circuits. A la recherche d’un volant, Aron rencontre Izo Yamura, le patron d’une écurie japonaise, qui lui propose un volant. Ce qui permet de lancer une belle scène où les deux hommes, américains et japonais, évoquent leurs souvenirs de la seconde guerre mondiale.


Après, tout n’est pas parfait, on ne peut pas dire que toutes les scènes se valent, les briefings et débriefings des courses (la question de la sécurité est souvent posée) sont des moments nettement plus intéressants que ceux où les pilotes prennent du bon temps. C’est légitime de le montrer, d’autant que le calendrier était bien plus léger à l’époque, mais ces moments auraient pu être au moins raccourcis. Car oui, on retrouve les stéréotypes inévitables des films de ce genre, par exemple la femme du pilote qui n’aime pas le métier de son mari. C’est déjà bien qu’elle ait elle-même un métier et ne reste pas au foyer. A ce titre, on peut donc trouver que c’est assez prétentieux de faire un film de 3 heures. 20 à 30 minutes de moins n’auraient peut-être pas fait de mal.


Je passe aussi vite fait sur quelques surprises comme l’ordre des courses qui, à part pour la première à Monaco, ne correspond pas du tout à la véritable saison 1966, la bonne tenue au championnat de Stoddart malgré la bonne partie de saison manquée... Enfin, s’il est vrai que le bruit des moteurs lors des courses se suffit à lui-même (le film a d’ailleurs remporté l’oscar du meilleur son) autrement, la musique est assez banale, elle manque de punch pour une superproduction Hollywoodienne.


Ces moments sont des petites faiblesses du film mais sont loin de le gâcher. Bien qu’on puisse voir 6 courses, on a le droit à un focus sur 4 : Monaco, Spa, Brands-Hatch et Monza. Mais si rien n’égale la réalisation du Grand Prix de Monaco, qui était plus pratique à couvrir que l’ancien Spa Francorchamps et ses 15 kilomètres de tracé, le boulot reste remarquable à tout moment, j’en viens à manquer de superlatifs.


D’ailleurs, je pense avoir fait le tour de ce que je pouvais vous dire sans spoiler l’histoire. Grand Prix vous procurera des sensations nickel pour les courses, des moments hors des circuits qui ne se valent pas tous, un joli casting, et même s’il n’est pas parfait, est clairement en lice pour le titre de meilleur film sur le sport automobile de l’époque. D’ailleurs, si vous avez l’occasion, ne manquez pas le making-of. Mais il a un concurrent, un certain Steve McQueen devait avoir le rôle de Garner au départ, mais au final, chacun sait dans quel baquet il a fini.

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le 23 janv. 2016

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The Reg

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