Quand la musique (n')est (pas) bonne...

Quel dommage.

Tout d'abord, j'aimerais tout de même mettre en avant l'excellente première séquence qui nous met totalement dans l'expérience que vivent les personnages que l'on regarde. Immense, silencieux, vide, sublime, terrifiant. Voici les adjectifs qui me sont venus à l'esprit lors de cette séquence. Rien qu'avec cela, le cadre était posé. Les dangers aussi. Une simple corde retient ces gens d'une mort presque certaine. Une mort seule. Loin de tout. Éloigné du monde. Loin de la Terre. Seul.

Une autre chose à noter est que, durant la totalité du film, nous avons une absence de cuts à tout va donnant la nausée (les vrilles dans l'espace suffisent). C'est si agréable d'avoir un film plutôt lent (des mouvements lents, des cuts légers…). Bref, c'est rare pour un blockbuster, alors je tiens à le souligner.

La mise en scène est à mes yeux le gros point fort du film, notamment pour les points soulevés au-dessus, mais aussi par la manière de filmer l'espace, le vide et l'immensité des objets qui s'y trouvent. Par exemple :

- Des jeux de perspective où nos personnages sont si minuscules, voire imperceptibles dans cette immense paysage vide que ça en devient glaçant.

- La Terre, en fond, qui est absolument gargantuesque comparée par exemple aux vaisseaux qui sont pourtant gigantesques à côté de nos petits êtres humains. Ce qui rend d'ailleurs d'autant plus impressionnant les moments d'impact entre les débris et ces vaisseaux.

- Un point fort aussi est le fait que nous ressentons bien à quel point nous sommes à la merci d'absolument TOUT dans l'espace. Nous n'avons aucun pouvoir sur ce que nous pouvons faire de notre corps, nous ne sommes que des petits ballons qui s'envolent, sans aucun pouvoir d'action. Jusqu'à mourir de froid. Ou préférez-vous être asphyxié dans votre combinaison peut-être ? Bref, l'impesanteur et le manque de contrôle de son propre corps qui en découle est terrifiant.

MAIS …

20 secondes de film : "[Dans l'espace], il n'y a rien pour porter le son"

8 minutes et 10 secondes : "Qu'est-ce qui vous plaît ici ?" Réponse : "Le silence"

Ces deux phrases en deviennent ironiques car une fois passée la superbe première séquence, la musique devient trop présente. Petit à petit, le silence de la première séquence est évincé au profit d'une musique totalement impersonnelle. Quel dommage pour un film se déroulant dans l'espace, qui est par essence vide et silencieux… Le silence se suffit à lui-même, pourquoi certains réalisateurs font si peu confiances en leur mise en scène ? Les images suffisent, vous faites du cinéma…

Je me permets donc de citer Robert B. : "il faut que les bruits deviennent musique", "sois sûr d'avoir épuisé tout se qui se communique [...] par le silence"

Comment est-ce possible de gâcher autant de scènes / séquences superbement mises en scène par une omniprésence absolument effroyable de la musique extradiégétique ? Non mais sérieusement ? Elle ne sert à rien. À. Chaque. Fois ! Pourquoi se tirer une balle dans le pied comme ça ? C'est tellement frustrant !

J'aurais presque pu passer outre le scénario plutôt risible, mais la musique m'a tellement sorti du film par moment que FORCÉMENT mon attention s'est portée sur (la musique et) le scénario. Mauvaise idée… mais bref, disons que la mise en scène pourrait sauver cette aspect secondaire. Surtout dans ce film. Je pardonne. MAIS PAS LA MUSIQUE.

Quelques dialogues sont aussi franchement déjà vus et clichés (SPOIL)

Donc, conclusion, pour reprendre les dialogues du film : "Qu'est-ce qui te plait ici ?" "LE SILENCE !!!!! Le silence Cuarón !!!!!" Et malheureusement, pour un film dans l'espace, il n'y en a pas assez… heureusement que la mise en scène le sauve.