Ulysse 31 mais avec Sandra Bullock
Disclaimer : Il est fort probable que cette critique spoile les 10 premières minutes du film, rien de grave, mais je préfère prévenir.
Gravity ! Phénomène de 2013. 7 Oscars à lui seul, des récompenses dans tous les sens. Cuaron a par le passé prouvé sa capacité à faire du beau et du bon avec une réalisation à la fois sobre et somptueuse, et toujours percutante. Un excellent film donc ? A voir.
Je n'avais jamais vu Gravity avant ce beau mois de décembre 2014, mais il fallait que je m'y décide, c'est donc une veille d'examen, à minuit pour ne rien enlever à la logique de la chose, que je lance le film. Et dès les premières secondes, un sentiment mitigé s'insinue en moi, le film semble m'imposer un ressenti par la plus triste des manières : à grand coup de panneau « Bouh ! L'espace ça fait peur, c'est dangereux ». Tu commences tristement film, si tu veux me faire éprouver quelque chose, il va falloir me montrer autre chose que ta plus belle police d'écriture. Mais soit, je décide d'en faire abstraction, peut être est ce là le fruit de la volonté d'un producteur qui prend manifestement les gens pour des cons. Me voilà désormais plongé dans le film par un magnifique plan séquence à l'esthétique léchée dont Cuaron est friand, et je ne peux lui enlever ce mérite : c'est beau, très beau mais aussi très oppressant, les personnages sont écrasés par l'immensité du vide si bien que l'on prend plusieurs seconde à les remarquer dans le cadre. On nous introduit les protagonistes brièvement, trop brièvement peut être, si j'ai bien compris : on a deux scientifique ( Bullock et... un mec dont on ne verra jamais le visage en fait ) et un spatio/cosmo/astro/taiko-naute chevronné campé par un Clooney qui cabotine comme jamais. Mais pas le temps de pester sur la lourdeur du personnage de Clooney que voilà l'élément déclencheur qui... bah déclenche. On assiste alors à ce qui je pense est le money shot du film : c'est beau, mais un poil confus par moment, on du mal à suivre ce qui arrive et à savoir à qui ça arrive. Le mec-dont-on-ne-verra-jamais-le-visage se fait défoncer à coup de débris spatiaux dans la gueule, tout part dans tous les sens dans la plus grande confusion, mais on est là face à l'une des forces de la réalisation de Cuaron : nous mettant face à la confusion et au désarroi auxquels sont soumis les personnages, une réalisation immersive donc, d'autant plus qu'elle parvient à rester somptueuse ( j'en profite d'ailleurs pour mettre en avant le travail d'Emmanuel Lubezski, le directeur photo qui fait un travail de folie tout au long du film ). Et voilà le personnage de Bullock se retrouve perdu dans l'espace ( très mauvais film avec Matt Leblanc d'ailleurs, et Gary Oldman, et William Hurt, mais je digresse ). Alors qu'elle dérive, elle entend une voix : Intervention divine ? Hallucination ? Radio ? Radio... Le blablanaute vétéran a survécu et entend bien la récupérer avec son super jetpack ultra longue autonomie, autonomie sur laquelle on a appuyé dans les premières secondes du film. Il la récupère donc et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants. FIN. En réalité, ils retournent à leur navette et retrouvent le cadavre du mec-dont-on-ne-verra-jamais-le-visage sur lequel ils trouvent une photo de famille, ils trouvent aussi des cadavres de figurants et constatent l'impossibilité de faire fonctionner la dite navette. Ils partent alors en quête d'une quelconque station spatiale durant laquelle on apprend que le jetpack n'a plus d'autonomie, ce qui ne semble pas cohérent avec la vision que l'on en a eu dans les premières minutes du film... Le reste est un enchainement de péripéties puis de leurs résolutions tour à tour, alternant les scènes calmes et les scènes qui ont couté de la thune, toujours avec un sens de la mise en scène très poussé et une photographie aux petits oignons. Mais ce n'est pas par son esthétique que Gravity pèche selon moi mais par son propos : le récit est souvent incohérent, mal amenées, les ficelles scénaristiques sont des cordes toutes plus visibles les unes que les autres. Le rythme est bien géré mais le récit ne forme pas un tout cohérent et est trop décousu, des gros morceaux de film aurait pu être enlevés sans qu'on ne perde son propos. Les thématiques abordées, souvent intéressantes sont à peine survolées si bien qu'on en vient à se demander si il y avait vraiment une volonté de l'aborder. Je vais prendre l'exemple de la photo de famille retrouvé sur le corps, plus tard on apprend que Bullock qui est toujours en vie, elle, n'a plus de famille et qu'elle semble attendre la mort pour retrouver ceux qu'elle a perdu. Le message ? La vie est une pute, et elle a le sens de l'humour . La thématique qu'on peut y déceler : l'instinct de survie, sa cause, sa manifestation, ce que vous voulez. Mais aucun approfondissement ne sera apporté, et vous en tirerez probablement une frustration grandissante au fur et à mesure que vous avancerez dans le film.
En conclusion : Gravity aurait pu être une perle de court métrage abordant les thématiques de l'importance accordée à la vie et de l'instinct de survie, le tout enrobé dans une réalisation qui survole une grande partie des productions actuelles, passées et futures. Mais au lieu de ça, on nous présente un enchainement de péripéties mal amenées et très vite redondantes qui vous ferons pester à grand coup de « Mais oui ! Toujours plus ! », une fresque contemplative au scénario maladroit et peu approfondi en somme. Gravity n'est pas un mauvais film mais il aurait pu être bien plus que cela grâce à son fourmillement de bonnes idées peu ou pas exploitées et à sa direction artistique à tomber qui ne parvient malheureusement pas à rattraper la vacuité du scénario.