Elvis Presley avait eu son biopic (le Roman d'Elvis par John Carpenter), il était normal que Jerry Lee Lewis, ce rocker provocant et génial, ait le sien. Ce fut certainement le plus allumé et le plus imprévisible des rockers de la grande époque, celle de Sun Records qui a eu dans son écurie des gars comme Elvis, Johnny Cash et Carl Perkins... un pianiste surdoué mais un mec fou au jeu de scène délirant, au point de frapper les touches avec les pieds, et capable de foutre le feu à son piano, tel qu'on le voit dans une séquence de ce film.
Evitant la bio sirupeuse, le réalisateur livre son Jerry Lee, il appuie sur la frénésie des fifties, avec le délire des fans, le culte des idoles, les scandales fracassants dans cette Amérique puritaine et coincée (comme le mariage de Jerry Lee avec sa cousine Myra de 13 ans). Il pousse à fond la caricature au travers de saynètes décapantes où Dennis Quaid trouve un de ses meilleurs rôles ; la tignasse blonde et avec l'accent sudiste, il cabotine trop souvent en transformant le personnage en pantin hystérique, mais le rôle l'exige, et il a appris pour l'occasion à jouer du piano. Le reste du casting est de première qualité, avec Winona Ryder, Stephen Tobolowsky, Trey Wilson qui ressemble de façon troublante au vrai Sam Philips, et Alec Baldwin dans un rôle de prêcheur réac typique du Sud des Etats-Unis de l'époque. Un film fou et excessif à redécouvrir, car je crois qu'il est un peu oublié. La note optimiste, c'est que Jerry Lee n'est pas un garçon respectueux de la morale, il est bel et bien irrécupérable, ce qui constitue un sacré pied-de-nez à cette Amérique ridiculement chaste et pudibonde.