Green Book : Sur les routes du sud est une fois de plus un film inspiré de faits réels. Mais quel film ! Il relate une histoire improbable. Celle d'un pianiste noir Don Shirley interprété par l'excellent Mahershala Ali. Le Docteur Shirley (car en plus d'être pianiste, il a un doctorat en psychologie) décide en 1962, d'aller faire une tournée dans le sud profond des Etats-Unis, à l'apogée de la ségrégation raciale qui y régnait. Pour ce faire, il embauche Tony Lip (Viggo Mortensen, plus vrai que nature en italien), comme chauffeur et garde du corps, lui qui sévit généralement comme videur de night-club à New York. Ah oui, le chauffeur est un peu raciste sur les bords mais la petite virée dans le sud va lui faire beaucoup de bien.
Le green book, c'est le guide touristique pour le noir dans le sud. Ségrégation oblige, les noirs doivent fréquenter des hôtels différents des blancs, des restaurants différents des blancs, cela va même jusqu'aux toilettes. Alors, tout artiste qu'est Don, il va se prendre tout cela de plein fouet. Et éprouver par lui même à quel point le génie n'est pas suffisant pour faire changer le coeur des gens. Il faut du courage, de la dignité car comme il le dit lui même, ces derniers finissent toujours par triompher.
La grande qualité de ce film, c'est de ne pas sombrer dans la manichéisme. Ne pas montrer les méchants blancs ségrégationnistes d'un côté, et les gentilles victimes noires de l'autre. Tout est cent fois plus compliqué, et les innombrables situations relatées le montrent.
Ainsi, attention aux préjugés ! On peut aimer Aretha Franklin, danser sur du jazz et adorer le KFC en étant blanc. De même, on peut être raffiné, lettré (ça aide pour rédiger des lettres touchantes), jouer du Chopin, Brahms et Beethoven en étant noir. Il ne devrait pas être utile de rappeler cela et pourtant, c'est le cas. Ainsi, ce film déconstruit le communautarisme. Chaque humain ne se définissant plus à l'appartenance à une communauté ou à une "race" mais bien davantage par ses propres choix, ses propres goûts.
Ce film montre aussi toute l'hypocrisie d'une société ségrégationniste qui se croit civilisée mais qui au final se comporte de la manière la plus abjecte, toutefois avec le sourire. Ainsi, c'est bien de jouer du piano dans un endroit mais y manger devient problématique.
Le film a une réalisation assez efficace, montrant de très belles scènes de concert, et surtout, en faisant vivre les passages sur la route, car oui, c'est un road movie. Le casting est excellent, on est touché par Linda Cardninelli qui joue le rôle de Dolores, la femme de Tony, elle offre beaucoup d'émotions et une belle touche d'humour dans son jeu et dresse vraiment le portrait de la parfaite Mama italienne.
Green book, c'est l'histoire d'une rencontre, d'un voyage, d'une amitié. Une fantastique aventure humaine qui montre qu'avec l'art on peut réveiller les émotions de chacun et ainsi, révéler l'humanité dans toute sa splendeur. Ce film permet également une introspection de chaque personne qui le regardera, quelle que soit son origine, sa couleur, ses goûts, sa sensibilité. On teste ses limites et on se rend compte de ce qui est vraiment important dans la vie. Un film indispensable tant il suinte l'humanité.