Inspiré d’une histoire vraie, Green Book est le premier projet solo de Peter Farrelly, habitué jusqu’ici à des comédies potaches avec son frère Bobby (Dumb et Dumber, Mary à tout prix…). Et quel premier projet ! Fort d’une écriture brillante, qui a la formidable idée d’inverser les rôles (le Blanc joue un chauffeur de classe populaire tandis que le Noir incarne un pianiste de classe aisée), le film offre une analyse nuancée sur le sujet si souvent exploité du racisme. Avec ce parti pris audacieux, le réalisateur/scénariste ne se contente pas d’évoquer la problématique évidente de la couleur de peau dans l’Amérique ségrégationniste des années 60, mais s’intéresse aussi à la société dans son ensemble, avec les différentes classes sociales qui la composent. Il en découle, du coup, un récit infiniment complexe, superposant à la discrimination raciale (attendue) une discrimination sociale (inattendue). A travers cette rencontre entre deux hommes que tout oppose, le scénario invite bien évidemment à la tolérance, mais aussi et surtout à la remise en question des stéréotypes, préjugés et autres a priori. Si le film prend un tel malin plaisir à les invoquer, c’est d’ailleurs pour mieux les déconstruire par la suite.
Malgré la portée dramatique du sujet, le long-métrage a toutefois la bonne idée de ne pas appuyer lourdement son propos, préférant au contraire dédramatiser régulièrement la situation avec de nombreuses touches d’humour et de légèreté. Celles-ci étant parfaitement dosées, la crédibilité de l’ensemble ne s’en trouve, fort heureusement, jamais affectée. Un équilibre remarquable qui doit aussi beaucoup à la superbe alchimie entre Viggo Mortensen et Mahershala Ali. Impeccables dans leur rôle respectif, les deux comédiens profitent en effet à merveille du contraste entre les personnages pour installer une dynamique prenante, faite d’échanges succulents et de moments de complicité touchants. Dynamique qui suffit d’ailleurs pratiquement à elle seule à éviter toute forme de lassitude, les 2h10 de film passant sans le moindre accroc. Côté technique, si la mise en scène ne transcende en rien le genre, elle s’avère néanmoins agréable, et peut s’appuyer sur un montage efficace pour soigner ses effets. C’est cependant ici surtout la dimension artistique qui séduit, le soin apporté à la photographie, aux décors ou encore aux costumes conférant à l’œuvre un charme indéniable.
Savant mélange de drame et de comédie, Green Book s’impose donc comme un biopic profondément humain. Porté par deux acteurs extraordinaires, le film profite de son parti pris brillant pour porter un regard subtil sur une problématique allant bien au-delà de la simple discrimination raciale. Une invitation à la tolérance exquise, qu’il serait bien idiot de refuser.
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