Il a fait sensation au festival international du film de Toronto, obtenant au passage le prix du public. Il est tiré d'une histoire vraie, celle du pianiste noir Don Shirley et son chauffeur/garde du corps blanc Tony Vallelonga. Retraçant les deux mois de la tournée du pianiste, ce road movie donnera naissance à une amitié qui durera plus de 50 années, tout en illustrant la manière dont étaient encore traités les noirs à l’époque.
Miss Daisy et son chauffeur, version inversée
En 1989, sortait sur nos écrans « Miss Daisy et son chauffeur », comédie dramatique située à la fin des années 40, voyant naitre une amitié improbable à l'époque entre une vieille dame et son chauffeur afro-américain. Des années plus tard, Green Book sort et inverse les rôles. Le chauffeur est blanc, le patron est noir.
Sur la forme, tout semble lier nos deux films. Il n’en sera rien sur le fond bien qu’il subsistera cette réflexion sur le racisme et les préjugés encore malheureusement d’actualité. Les frères Farrelly, vous les connaissez pour leurs comédies délirantes et un peu crado (Mary à tout prix, Fous d’Irène, Dumb et Dumber, …). Cette année, stupéfaction en voyant Peter, l'ainé, prendre seul les commandes d’un biopic totalement différent des films qu'il avait l'habitude de réaliser.
Nous sommes en 1962. Tony est Italien pur souche vivant dans le Bronx. Macho, ce père de famille aimant que l'on surnomme "la tchatche" n'a aucunes bonnes manières. Il faut le voir manger une pizza entière ou simplement l’entendre parler pour comprendre à qui on a affaire. Néanmoins, sous ses airs de grosse brute bavarde très sociale et chanceuse additionnée à un comportement laissant penser qu’il est raciste, ce cache un homme bienveillant et loyal se sacrifiant pour subvenir aux besoins de sa femme et ses enfants.
Son patron, le Dr Don Shirley, c’est tout son contraire. Solitaire, sans attaches, minutieux, maniéré, sage et hautain. Nos deux hommes que tout oppose partent sur les routes du sud des Etats Unis pendant deux mois. Sur leur chemin, ils devront faire face au comportement hostile, absurde et puéril des blancs vis-à-vis des noirs.
Vous dans le sud, ça va causer des problèmes.
Feel good movie poignant, réfléchit et remplit d’espoir
Green Book reprendra les ficelles du road movie. Nos deux personnages principaux vont voir leur relation prendre un tournant au fil de leur voyage, apprendront à se connaitre, apprendront chacun l'un de l'autre, apprendront à s’apprécier, évoluant, changeant leur manière de penser et d'agir. En toile de fond, le racisme commençant par ce livre, le Green Book, appelé aussi "The Negro Motorist Green Book", un livre recensant à l'époque les établissements accueillant les noirs. Aussi dur et injuste soit-il, ce long périple dans l'Amérique raciste possède une reconstitution de l'époque impeccable.
Costumes, décors, culture Italienne et Afro-américaine, mentalité, tout y est. Mais il ne s'arrêtera pas en si bon chemin, puisant surtout sa force dans la complicité naissance entre un blanc et un noir. Tous deux sont différents tout en se ressemblant. A travers notre histoire, Peter Farrelly réussit de manière surprenante à changer son style, prouvant à tous qu'il peut être un homme réfléchit avec de vraies valeurs humaines. Truffé de répliques poignantes et de scènes symboliques, Green Book fait réfléchir, émeut, fait rire aux éclats, fascine et envoute par son ambiance Jazzy.
Viggo Mortensen (qui a pourtant des racines danoises), qui n’est pas là pour amener son patron en terre du Mordor, nous la joue Italien bon vivant pas très futé, rebelle et balèze malgré sa bedaine. Face à lui, un Mahershala Ali à la silhouette mince et élancée, et aux manières sophistiquées, accompagné d'un balai dans le popotin, dissimulant sous ses airs arrogants une fragilité forçant à nous émouvoir.
Le choc a lieu d'un point de vue linguistique. En effet, le musicien employant un langage très châtié, passera au début le plus clair de son temps à se comporter de manière condescendante envers son chauffeur, dont le langage est celui de la rue des quartiers chaud du Bronx. C’est sur ce point que Green Book se tendra par moments vers l’humour et parfois, vers le drame. Nos deux acteurs, sublimes, créés en une fraction de seconde empathie et attachement. Le pari est réussi, Peter Farrelly et son Green Book mérite ses éloges et ovations. Ce feel good movie a du cœur, faisant un bien fou à l’âme.
On ne gagne jamais grâce à la violence. On ne gagne qu'en gardant sa
dignité.
Au final, une hymne à l’humanité, au respect, aux artistes, à la tolérance, à la fraternité et à la famille, prouvant que l’amitié et la bienveillance peuvent briser la barrière des préjugés et de la différence. Green Book, il doit être vu pour que noirs et blancs n’oublient jamais d’où leurs ancêtres viennent. Le vivre-ensemble est possible, cette œuvre en est une nouvelle preuve.