Une découverte intéressante mêlant a priori deux mondes que tout oppose : celui du beau monde et de la pègre dans une spirale de sons et lumières ; magnifiant l’amitié désintéressée d’un « rital » aux gros bras et d’un artiste vivant seul sur son trône d’or.
Nous sommes à New York dans les années soixante. Tony Lip (en français « La tchatche ») de son vrai nom Vallelonga, est un italien du Bronx, homme à tout faire, débrouillard et père de famille aimant, malgré des difficultés à subvenir à ses besoins. Or sa vie change lorsqu’un musicien talentueux : le docteur Don Shirley l’engage pour l’accompagner lors d’une tournée de deux mois dans le Sud du pays. Seul hic, le pianiste est d’origine jamaïcaine, et risque de ne pas être bien accueilli dans le fin fond des États-Unis. D’autant que ses manières aristocratiques le rendent tout aussi louche au regard des autres noirs.
Après avoir lu le pitch de Green Book, je ne m’attendais pas à grand-chose sinon un énième film historique sur le racisme et les violences perpétrées contre les Noirs. Non pas que le sujet ne soit pas intéressant, mais je craignais pour l’identité artistique et la pérennité du titre. Néanmoins, ses nombreuses nominations aux Oscars et Golden Globes m’ont poussé à voir au-delà des apparences et me laisser porter. La formule de la brute au grand cœur voyageant avec un solitaire distingué n’a rien de bien original. Je ne prétendrai pas non plus qu’y associer la ségrégation, tant à l’égard des immigrés Italiens que des Afro-Américains, rend le film piquant. D’ailleurs ils ne sont finalement qu’une toile de fond que vient compléter le décor de la cambrousse américaine défilant sous nos yeux lors des longs trajets en voiture. Ce qui le sort du carcan thématique, c’est avant tout le jeu de ses acteurs : Viggo Mortensen ayant fait un sacré chemin depuis Aragorn, et Mahershala Ali formant avec lui un duo détonnant, la curiosité des deux hommes muant peu à peu en une amitié sincère et touchante. La bande son apporte beaucoup à cet univers terne où ne subsiste que l’empathie de ses protagonistes, particulièrement les concertos dont l’humeur de Don rend tantôt frénétiques, tantôt doux et entraînants. Globalement on pourrait parler d’un « feel-good movie » où il est plus intéressant de voir les personnages progresser, changer et se sortir mutuellement des pires situations. Cependant, aucune réelle menace ne pèse sur eux ni sur leur famille, et s’il est parfois frustrant d’assister aux railleries, l’inquiétude ne tient qu’en l’instant, vite oubliée, même suivie d’une bonne accolade.
Un canevas sans prétention que l’annonce de départ : « Inspiré d’une histoire vraie » ne rend pas plus novateur, quoique contrebalancé par le jeu des acteurs et la sincérité de la réalisation, qui ne cherche pas à nous tirer des larmes mais faire connaître ses personnages. Ces derniers, Nick Vallelonga, l’un des responsables du scénario et vraisemblablement parent du protagoniste, semble y tenir tout particulièrement.