Boris Grushenko (Woody Allen) est éperdument amoureux de sa cousine Sonja (Diane Keaton), avec qui il a régulièrement de grandes discussions sur le sens de la vie, Dieu, l’amour, la mort… Seulement, Sonja n’a d’yeux que pour le frère de Boris, Ivan (Henri Czarniak). Mais les deux frères étant enrôlés dans l’armée russe pour combattre contre les armées napoléoniennes, Sonja se marie avec un marchand de harengs. Malheureuse, elle trompe régulièrement celui-ci, jusqu’au jour où elle retrouve Boris, revenu de guerre. Avec lui, elle met sur pied un projet un peu fou : assassiner Napoléon (James Tolkan)…
Comme souvent, Woody Allen propose un film qui touche à plusieurs genres : le film historique, la parodie, la comédie romantique… Le génie comique de l’acteur-réalisateur se révèle ici dans toute sa splendeur, à l’aise dans chacun de ces genres. De fait, il fait montre d’une verve à toute épreuve, jaillissant régulièrement dans des dialogues parfaitement écrits, tellement hilarants pour qui sait écouter qu’on n’aura jamais fini de dérouler le long chapelet de perles qu’Allen nous offre ici. Un peu comme si les Marx Brothers se mettaient à disserter sur le sexe avec l'esprit d'un Sacha Guitry...
Petit florilège :
"Tous les hommes partiront un jour... Mais moi, je pars demain à 6 heures du matin. Je devais être exécuté à 5 heures, mais j'ai eu la chance d'avoir un bon avocat."
"Boris, nous devons croire en Dieu
- Si seulement, j'assistais à un miracle... Juste un seul, un tout petit miracle : si je voyais un buisson ardent, ou les mers s'ouvrir en deux, ou mon oncle Sacha payer l'addition."
"Venez demain chez moi, à 15 heures...
- Impossible.
- S'il vous plaît...
- C'est immoral. A quelle heure ?
- Qui décide de ce qui est moral ?
- La moralité est subjective.
- Le subjectivité est objective !
- La moralité appplique des attributs à des substances n'existant que dans la dualité rationnelle.
- Pas dans le développement essentiel de l'existence ontologique !
- Oh, pourquoi doit-on toujours parler de sexe ?"
"Le sexe sans amour est une expérience vide !
- Oui, mais parmi les expériences vides, c'est une des meilleures."
"Boris, vous êtes un des meilleurs amants que j'aie jamais eu !
- Je m'entraîne beaucoup quand je suis tout seul..."
"Suggères-tu une résistance passive [face aux invasions napoléoniennes] ?
- Non, je suggère une fuite active !"
Si ces grandes considérations aussi métaphysiques que craquantes sur Dieu, la vie, le sexe, l’amour, la mort et encore le sexe, seront susceptibles de choquer les quelques oreilles innocentes qui pourraient encore rester dans le public moderne, il serait criminel de chercher à réprimer un rire allègre devant un tel monument comique, qui parvient à nous proposer un humour tantôt grivois, tantôt intellectuel (et tantôt les deux en même temps !) mais toujours d’une incroyable finesse. Certes, la vulgarité menace parfois d’envahir le film, mais quitte à rire du sexe, rions-en intelligemment…
Reste donc un équilibre unique en son genre, saupoudré d’un burlesque savamment dosé, typique de Woody Allen, et qui fait amplement mériter à ce dernier une place à part dans le monde de la comédie contemporaine.