Democracy is the best that we have in Germany.
Guerrière, gros succès critique et festivalier, arrive enfin chez nous, pour le plus grand plaisir de ceux qui aiment les films apportant un oeil nouveau sur un sujet délicat, à savoir le nationalisme en Allemagne. On suit donc Marisa, une jeune neo-nazie qui passe son temps à boire accompagnée de sa bande auprès de laquelle elle se croit forte, puis qui développera une sorte d’empathie envers Rasul, un jeune afghan qu’elle tentera d’aider, et enfin Svenja, une môme de 14 ans qui en pleine crise d’adolescence rejoindra le groupe.
Dès le début le réalisateur et scénariste David Wnendt se débarrasse de ce qui a tendance à gangrener ce type de production, la violence inutile et malsaine afin d’ensuite pouvoir mieux se concentrer sur ses personnages, à l’inverse par exemple d’American History X qui tout du long n’était qu’un appel à la haine. Deuxième point, le rapprochement de Marisa et Rasul évite la bêtise de la bobine susnommée où un sosie de Martin Lawrence débitait des conneries, ce qui par une magie inattendue transformait l’homme mauvais en agneau. Ici le loup a beau s’adoucir, il n’en reste pas moins animal dans son comportement : on ne change pas une éducation basée sur la haine et l’intolérance.
Choix intéressant du cinéaste, c’est d’avoir choisi de suivre un duo principal doté de chromosomes XX, en profitant par la même occasion pour parler de la condition féminine, que ça soit chez la jeune adulte, l’adolescente, mais également la façon dont elles sont traitées par les membres de ces groupes, les réduisant au statut de trous que l’on saoule pour mieux cogner lorsqu’elles se rebiffent.
Certains points restent néanmoins assez évasifs, notamment sur la raison qui a poussé Marisa à suivre ce mouvement. Certes on a un ou deux flashbacks par ci par là, mais il faut la plupart du temps tirer des conclusions pour cerner sa psychologie. D’un autre côté on suit les raisons qui la poussent à quitter, donc il était évidemment pas possible de nous narrer toute sa vie, surtout si Svenja tient là le rôle de doppelgänger (bien que leur passif ne soit pas commun). Il est également regrettable qu’un révolver de Tchekhov ait été placé là, non seulement pas très subtil mais créant une certaine prévisibilité.
Guerrière se montre puissant dans sa narration, évitant les clichés à l’américaine tout comme les effusions de violence bonnes à satisfaire les néo-nazis en herbe. Il se montre contemporain dans son fond comme dans sa forme, et l’on ne pourra qu’applaudir les prestations des deux jeunes femmes qui sont à sa tête, Alina Levshin et Jella Haase, toutes deux brillantes. Rajoutez à cela une direction artistique de haute volée (encore une fois pas de noir & blanc placés pour les idiots qui ne savent pas différencier passé/présent) et vous avez l’une des meilleures oeuvres du genre.