Véritable coup de grisou sur la toile, Tucker et Dale ont fait parler d'eux plus que n'importe quel direct-to-dvd, et ont largement accumulé les récompenses lors de différents festivals (AMPIA, Fant-Asia, SXSW, Sitges...). Ecrit et réalisé par deux inconnus qui signent là leur premier long-métrage, c'est d'autant plus une surprise, une comme l'on en avait pas eu depuis Edgar Wright et son Shaun of The Dead.
Tucker (Alan Tudyk) et Dale (Tyler Labine), deux adorables péquenauds de Virginie s'apprêtent à passer leurs vacances dans leur résidence secondaire, une cabane au milieu des bois, où ils comptent bien se reposer tranquillement, en buvant des bières et en allant à la pêche. Dans cette même forêt, une bande de lycéens venus faire du camping ne tarderont pas à remarquer ces deux individus, et seront pris de panique, persuadés que ce sont des maniaques cannibales prêts à les découper à la tronçonneuse.

En matière de films d'horreur et d'épouvante, la majorité des productions se suivent et se ressemblent, chacun essayant de copier ce que le précédent a fait, sans innover, creusant les filons qui marchent en salles, et donnant au final l'impression de voir continuellement la même chose. Tucker & Dale vs Evil prend une direction tout autre, nous proposant une farce hilarante riche en gore à la façon de Shaun of the Dead (qui nous ramène déjà 7 ans en arrière) et qui fait figure de véritable vent de fraîcheur. Pour une fois les bouseux ne sont pas les méchants, mais les gentils, et les ados fumeurs de joints ne sont pas les proies, mais les prédateurs. Tout cela part à la base d'un gros quiproquo sur les apparences trompeuses, mais c'est génial, intelligent, évident, au point de se demander pourquoi personne n'y avait pensé plus tôt.
On pourrait se dire que la recette ne fonctionnerait qu'un moment, mais les scénaristes avaient bien plus dans leurs bagages qu'une simple bonne idée; tout au long du métrage ils se renouvellent, nous servant une multitude de façons d'illustrer cette méprise, et nous feraient presque monter les larmes aux yeux tellement on se fend la pomme.
Le réalisateur, Eli Craig, choisit d'user d'un champs et contre-champs afin de scinder les perceptions des deux groupes et nous faire comprendre leurs motivations. Tucker et Dale sont ingénus au point de ne pas comprendre que les jeunes sont effrayés par eux, et ceux-ci, à l'inverse, sont déterminés à les exterminer, persuadés qu'ils sont deux maniaques comme l'on en voit dans tous les films.
Craig et Morgan Jurgenson, son co-scénariste, présentent de façon claire pour le badaud que l'habit ne fait pas le moine, mais la véritable réflexion est ailleurs. La profusion de péquenauds tueurs dans les longs-métrages a un effet négatif, et franchement, qui n'aurait pas peur de deux types à l'apparence codifiée comme effrayante s'il les croisait dans un bois ? (il est également bon de préciser que cet effet se fait surtout ressentir aux States, riche en hillbillies, white trash et rednecks — aparté intéressant, l'album d'Everlast, White Trash Beautiful, qui essayait de redorer un peu le blason de cette population sédentaire et en apparence peu chaleureuse, néanmoins enfants des bâtisseurs de l'Amérique, mais trop souvent ridiculisés) Le cinéma a une influence, et l'on se rappelle évidemment de l'impact désastreux qu'ont eu les productions à base de requins auprès du public. Un film original qui condamne le manque d'originalité et la surabondance de stéréotypes dans le cinéma, et nous ramène à ce qui était dit plus haut, on peut innover plutôt que constamment copier sur ses petits camarades, et a fortiori colporter un message de tolérance, même dans un film d'horreur.

Bref, Tucker & Dale vs Evil est le nouveau Shaun of the Dead, et est probablement ce que l'on a vu de plus drôle dans le genre comico-horrifique durant ces 10 dernières années. Une folie pure, un orgasme de vieux môme qui a grandi avec Evil Dead, Bad Taste et Brain Dead, c'est un véritable cadeau qui est fait aux amateurs du genre, qui malgré tout auront une raison de râler, et pour cause, le film est privé de sortie en salles (hormis quelques brèves projections dans des festivals), et réservé au marché direct-to-dvd. Une injustice, surtout quand on voit l'amoncellement de merdes pseudo-inspirées qui polluent les cinémas (Scream 4, juste par exemple).
On se montrera néanmoins quelque peu dubitatifs vis-à-vis d'une fin légèrement tirée par les cheveux et détonant du reste, mais ça serait pinailler pour des broutilles, la pellicule méritant largement les honneurs.
Grosse cerise sur le gâteau, et non des moindres, la présence de deux trublions semblant nager dans leurs rôles comme des poissons-chats dans un repère de poissons-souris, dont le grand (enfin gros, mais grand quand-même) Tyler Labine, rescapé de la série Reaper (Le Diable et Moi en VF), et qui avec sa tronche sera sûr de garder pour longtemps un public de fans insatiables, mais aussi Alan Tudyk, lui aussi rescapé d'une excellente série injustement stoppée, Firefly (Aiya Huaile !), et étant accroc aux deux, ce fut pour moi un plaisir d'autant plus décuplé.
Pour conclure, les amateurs de cinéma gore et humoristique auront là une véritable dinde de Thanksgiving, bien dodue, bien farcie, et sur son délicat lit de fayots fleurant bon le Wyoming (même si c'est filmé à Alberta). Les moins réceptifs à la bidoche ou les plus blasés par le genre auront quant à eux tout intérêt à y jeter un oeil car justement, les apparences peuvent souvent être trompeuses...
Mention spéciale pour le duo Labine/Tudyk, qui se partagent une grosse tête d'affiche, qui, espérons-le, les mettra sur les devants de la scène afin de leur accorder tout le succès qu'ils méritent.
SlashersHouse
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le 8 juin 2011

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