Body parts.
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Pas de doutes on a bien affaire ici à du Sion Sono, c'est trash, pervers, poétique et très riche, une déconstruction des valeurs traditionnelles mais aussi de la culture du désir japonais. Pourtant je me demande s'il n'y a pas quelques points que l'on pourrait remettre en cause, notamment le portrait de l'émancipation féminine et le « féminisme » de Sono, s'il y en a un, lui même ne se revendiquant d'aucun féminisme en particulier. Ma critique abordera donc davantage la portée idéologique autour de la place de la femme et de son émancipation dans l'oeuvre de Sono plutôt que les enjeux strictement cinématographiques.
Pour revenir à Guilty of Romance et pour aller très vite, c'est l'histoire d'une femme au foyer, Izumi, mariée à un écrivain romantique en vogue, celle-ci, réduite à être la servante du mari reste cloîtrée dans la demeure conjugale toutes ses journées en suivant un emploi du temps millimétré. Frustrée aussi bien sexuellement qu'affectivement, elle se décide à trouver un petit boulot avec l'accord du mari comme vendeuse de saucisses dans un super marché ... Elle se voit ensuite proposer de faire des photos de charme pour finalement terminer dans les quartiers libertins des love hôtels et la prostitution (prostitution qui sera en quelque sorte le mode d'accès à l'émancipation de son point de vue : si tu veux baiser, tu payes, je garde ma dignité).
Si cette mercantilisation du corps comme émancipation est déjà très largement discutable, ce qui me semble d'autant plus problématique c'est que la femme qui décide de s'émanciper, ici Izumi, ne choisit jamais par elle même cette émancipation. Pour que cette émancipation puisse s'opérer elle doit systématiquement être violentée, bousculée, maltraitée physiquement et psychologiquement par des hommes ou par d'autres femmes, elle fuit une violence pour en retrouver une autre si on veut .. Si elle était d'abord réduite à un objet utilitaire pour le mari, elle devient vite un objet de désirs et de pulsions pour les prédateurs, surtout des hommes. Le problème ici c'est que la femme n'est jamais décisionnaire, Izumi (incarnée par Megumi Kagurazaka, à la base modèle de charme à la plastique plantureuse pas inutile de le préciser) est trimbalée comme une poupée du monde de la parfaite épouse au milieu libertin qui reste tout de même très centré sur le plaisir masculin. Elle peut y trouver du plaisir en étant dominée mais elle ne sera jamais super consentante non plus vous voyez, elle ne choisit pas la domination, elle l'a subie. Ce qui est dit implicitement c'est que le plaisir d'être dominé ne peut être choisi, il ne peut être artificialisé par le consentement du dominé au risque de perdre son authenticité et son effectivité même, ce qui me semble de mon point de vue infiniment problématique.
Du coup, j'ai un doute, est ce que le réalisateur se veut extrêmement critique et pessimiste dans le sens où la femme dans la société japonaise n'a pas d'échappatoires entre le monde traditionnel et le monde libertin complètement façonné autour du désir masculin de domination ? ou alors, et c'est un peu ma crainte, Sion Sono ne se montre t-il pas complaisant à violenter de la sorte son héroïne hyper sexualisée (comme dans Cold Fish d'ailleurs) lui même fasciné par la domination sans aucune forme de consentement ? Est ce que lui même n'est pas excité de faire jouer tout le potentiel pornographique de son actrice dans des jeux de domination tournés essentiellement autour du plaisir masculin ? En tout cas c'est ce qu'on ressent beaucoup à l'écran .. Ou alors, coup de génie, Sono réussit-il à faire la critique du plaisir masculin sans pour autant s'en extraire lui même mais dans ce cas là la critique n'est-elle pas de ce fait déjà compromise ?
Le film est complexe ça c'est sur, ça cite du Sade, du Kafka , on est empêtré dans le brouillard poisseux des pulsions et des désirs, à un tel point qu'on a du mal à situer l'auteur lui même dans son positionnement idéologique.
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le 12 sept. 2016
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