Gully Boy est le premier film indien sur le rap et comparé dans tous les commentaires à 8 Miles. La BO est excellente et le film est porté par deux excellents acteurs indiens : Ranveer Singh (Padmavati, Bajirao Mastani) et dans un second rôle Alia Bhatt (Gangubai Kathiawadi).
Murad Ahmed (Ranveer Singh) appartient à l’immense masse des pauvres en Inde. Il traîne sa lassitude dans le milieu gris, sans avenir qui est le sien. Il gagne sa vie comme chauffeur d’une famille riche avec tout ce que cela implique d’humiliation, de paroles hautaines à avaler, d’attitude soumise à adopter.
Ses deux seules éclaircies dans sa vie : son amour caché mais partagé avec Safeena Firdausi (Alia Bhatt) et le rap qu’il écoute encore et encore. C’est un battant qui croit malgré tous les conditionnements sociaux à un avenir : « Mon heure viendra ». On perçoit en lui une colère contenue, une rage et une force qui ne demandent qu’à sortir à travers les mots de la musique qu’il écrit :
La lave de mes mots fera fondre mes chaînes (…)
mes rêves feront trembler de peur,
vous ne pouvez enterrer les rêves six pieds sous terre
aucune peur, rien que du cran (…)
sang et sueur donne du sens à la vie
ça sonne mieux en hindi mais malheureusement je ne connais pas la langue… je dois me contenter des ST anglais…
Dès sa première prestation il séduit par l’authenticité de ce qu’il exprime. Et c’est ainsi que Sher, un jeune rappeur déjà expérimenté l’introduit dans le milieu et l’aide à progresser. Ces deux personnages fictifs s’inspirent de deux rappeurs indiens : Divine et Naezy (https://www.youtube.com/watch?v=1bK5dzwhu-I) qui ont travaillé également à la BO du film.
Peu à peu la musique entre de plus en plus dans son existence, elle est la porte qui ouvre sur une libération, un espace de vie et fait éclater tout ce qui l’étouffe. La musique ne le quitte pas, il y exprime sa colère, sa tristesse mais également ses pensées, comme dans cette scène où il ramène la jeune fille de la famille qu’il sert : elle est en larmes, elle s’installe à l’arrière, murée dans son silence. Elle n’a rien à lui dire, ils n’appartiennent pas au même monde. Mais durant ce temps, tout en conduisant, il compose dans sa tête :
Tu es proche
et pourtant tu es dans un monde à part.
Pourquoi mes mains sont-elles liées ?
Je ne peux te consoler,
je ne peux te tendre la main,
je ne peux essuyer tes larmes,
ma position ne me le permet pas.
Je suis ici,
tu l’es aussi,
mais la vérité est que je suis dans un univers
et toi dans un autre.
Tu es proche
et pourtant tu es dans un monde à part.
Pourquoi mes mains sont-elles liées ?
Superbe scène:
- par la qualité visuelle : la scène se déroule de nuit, dans une lumière jaune,
- par le jeu des acteurs qui font passer toutes leurs émotions par le regard : celui de la jeune fille dérivant au loin par la fenêtre, celui de Murad la regardant dans le rétroviseur. Deux jeunes habité par la souffrance, chacun dans son univers, chacun seul dans sa souffrance.
Il faudrait citer chacune des chansons tellement elles sont toutes fortes, denses, puissantes par leur message, par leur rythme. Les images qui accompagnent les paroles renforcent leur impact, montrant la pauvreté et la misère en Inde. En particulier : « il y a un gouffre entre nous », première chanson enregistrée en studio. Enregistrement qui constitue comme son « baptême » de rappeur et à l’issue duquel Murad reçoit son nom de rappeur : « Gully boy ».
Gully boy traverse vents et marée pour réaliser son rêve. Il refuse de se laisser enfermer dans sa condition sociale. Comme tous ceux de son milieu, on lui a appris à baisser la tête et les yeux. Mais lui, refuse ! Tandis que de son côté, Safeena se bat pour devenir chirurgienne et refuse de devenir la bonne épouse d’intérieur. Deux rêves, deux êtres faits pour se comprendre, deux fortes personnalités qui se heurtent aussi !
Au fur et à mesure de son évolution Gully boy passe de son propre rêve à la conscience d’être la voix des sans-voix, et son « mon heure viendra » devient « notre heure viendra ».
Gully boy est une perle indienne, il y a tout les ingrédients d'un bon film : excellente prestation des acteurs, excellente musique, excellentes photographie et réalisation auxquels s’ajoutent la qualité des dialogues, de la contextualisation sociale, des danses hip hop et des personnages secondaires consistants. Il est chaudement recommandé à tous ceux qui aiment les films indiens et / ou le rap.
Enterre-moi, je suis une graine,
Je grandirai jusqu’à toucher les nuages