Gunda
6.7
Gunda

Documentaire de Viktor Kossakovsky (2020)

Gunda est un film qui invite à la rêverie. C'est un espace-temps offert pour flâner, et en cela, le documentaire devient intéressant, malgré (grâce à ?) ses longueurs et son hermétisme.


Documentaire... Est-ce le bon mot pour désigner Gunda ? Oui, le film "documente" la vie d'une laie et de ses cochonnets, de deux ou trois poules, d'un troupeau de vaches. On les épie, ils captent notre regard. Le réalisateur nous offre des images d'eux, vivotant : les cochonnets tètent leur mère, essaient d'atteindre une de ses mamelles en se marchant dessus. Dès fois la nature animale se veut violente, et la maman écrase son petit de tout son poids sans réaliser son acte, dans une scène très violente. Sinon, la vie s'écoule tranquillement, la volaille se déplace, une d'entre elles aidée d'une seule patte. Les génisses (et un taureau) courent, puis regardent la caméra l'oeil triste, les mouches virevoltant autour d'elles.


Ce n'est pas non plus du cinéma pédagogique sur la vie à la ferme. Il n'y a quasiment pas de plans larges. Ceux-ci surprennent d'ailleurs quand ils surgissent. Nous sommes avec les bêtes, en gros plan, on longe la terre, les herbes, on est à côté d'elles, près de leurs corps, dans leur environnement sonore. Si l'intention générale de Viktor Kosakovskiy est un peu floue, sa volonté d'accentuer le bruit face à la tranquillité des images s'entend. Les gorets couinent, les mouches bourdonnent, les vaches meuglent. Les cris des animaux percent cet univers dit "muet", au point d'en devenir parfois lourd et harassant.


S'il fallait ranger Gunda dans une case, on dira que c'est une oeuvre de poésie. Ce film est beau, ces plans (longs) sont splendides : ce taureau qui nous regarde, l'intelligence qui se reflète dans les yeux de cette mère cochonne, ses poules qui déambulent dans les herbes hautes comme des soldats, à l'affut du moindre bruit. Par contre, le rythme du film est assez lent, et c'est un euphémisme, même si du mouvement vient dynamiter l'intérieur du cadre. Heureusement, le réalisateur n'esthétise pas à outrance son sujet et n'abuse pas de ralentis (un plan me vient à l'esprit, celui de la course des vaches sortant de l'établi).


En regardant Gunda, c'est un combat qu'on engage. Il faut lutter : contre la fatigue, contre l'ennui, la lenteur, l'excès de mignonnerie d'un goret, la tentation de parler aux animaux dans notre tête. Et puis, soudain, il faut lâcher prise. Ne plus penser au film. (Re)trouver du sens. Se dire que c'était peut-être cela, l'intention de l'auteur, permettre de se reposer du vacarme urbain ambiant, 1h30 à la ferme, sans même à avoir à se déplacer. Un temps de flânerie, où l'on peut s'enamourer d'animaux sans subir les désagréments d'une visite réelle (les odeurs, le bruit, la saleté).


Bienvenue à la ferme en ville, semble nous dire le réalisateur. Vous y serez bien, et les cochonnets y sont bien traités. Avant d'être envoyés à l'abattoir, au plus grand désarroi de leur mère, qui semble perdue, désorientée, seule, lors de ce dernier long plan (le seul plan à l'allure d'une revendication pour la cause animale et le végétarisme) venant clore le film.

Cambroa
6
Écrit par

Créée

le 1 sept. 2021

Critique lue 179 fois

1 j'aime

Cambroa

Écrit par

Critique lue 179 fois

1

D'autres avis sur Gunda

Gunda
Cambroa
6

Cris et grognements

Gunda est un film qui invite à la rêverie. C'est un espace-temps offert pour flâner, et en cela, le documentaire devient intéressant, malgré (grâce à ?) ses longueurs et son hermétisme...

le 1 sept. 2021

1 j'aime

Gunda
drloser
3

Critique de Gunda par drloser

C'est beau, mais c'est long, pour ne pas dire ennuyeux. Ce sont juste de belles images, pas d'histoire, pas de dialogue. Après 3/4h, j'ai fini le film en accéléré. Si vous êtes du genre à vous assoir...

le 23 août 2021

Gunda
ClémentLepape
8

Gunda

C’est le type de projet que je vois rarement, mais celui-ci m’a intrigué parce qu’il semblait en phase avec ma sensibilité. Le principe : de longues séquences documentaires suivant des moments de vie...

le 25 févr. 2022

Du même critique

It's A Sin
Cambroa
8

"It was so much fun", c'est ce que les gens oublient

It's A Sin nous embarque dans l'Angleterre des années 80, ravagées par le sida, l'homophobie et la politique de droite de Thatcher. Des jeunes arrivent à Londres, prêts à profiter des joies de la...

le 20 mars 2021

38 j'aime

1

Hamilton
Cambroa
9

Ce rêve bleu, un nouveau monde en couleurs

C'est une captation vidéo d'un spectacle vivant comme je n'en ai jamais vue. Dès les premières secondes, nous sommes happés par l'énergie insensée des comédiens et le rythme tournoyant d'Hamilton...

le 2 août 2020

21 j'aime

Au pan coupé
Cambroa
9

Pourquoi vivre ?

Et comment vivre ? Jean ne le sait pas. Il aime Jeanne, enfin le pense-t-il, et Jeanne l'aime en retour. Il se pose beaucoup de questions. C'est un jeune, dans les années 60, mais cela pourrait être...

le 31 janv. 2021

10 j'aime