Un western camembert. Surprenant, mais la France est en pleine américanophilie, elle a découvert les premiers westerns, le fameux The Great Train Robbery dont la scène iconique du cowboy qui tire face au revolver face caméra est reprise ici deux fois, mais aussi les serials, les illustrés ou le Wild West Show de Buffalo Bill. Il y a ici donc des moments de western : les acteurs prennent des pauses de cowboys, ont un jeu américain, il y a de très beaux plans sur les paysages, notamment la rivière. A noter que l’opérateur Georges Haon offre de magnifiques prises de vue, il y a de très beaux jeux de lumière et des mouvements filmés avec une grande fluidité. Il y a aussi des éléments fantastiques extrêmement bien filmés (des inserts sur une main au pieu et sur un arbre au pendu, des apparitions de fantômes) Western et fantastique ? Oui, et nous verrons que ce n’est pas tout, mais que cela rend le film très chaotique. Il emprunte aussi à celui de l’aventure, du mélodrame et du film religieux. Haceldama est le mont où Judas s’est pendu. Le récit de vengeance et de repentance est mal conduit, et il y a une tentative de morale catholique qui ne s’accorde pas du tout avec le reste, et qui est même difficile à saisir quand on n’a pas cette référence. Les codes de genres sont mélangés, parfois dans la même scène. Ainsi, les acteurs passent d’un jeu et d’un maquillage très naturel à ceux outranciers du mélodrame. On passe aussi des panoramiques et des scènes d’action dynamiques du western au plan frontal et fixe de ce dernier genre, encore trop ancré dans le théâtre, et ce dans les mêmes décors bourgeois et surchargés ! A croire que Julien Duvivier a voulu tester tous ses genres préférés et en a proposé un échantillonnage, plutôt que de choisir...
Il tente aussi d’instaurer des flashbacks. L’idée est audacieuse, précurseure pour l’époque, mais c’est ici maladroit et confus.
Bref, une curiosité, quelques très bons éléments qui surnagent, un des seuls westerns-camembert, mais le film est peu maîtrisé.