Optical Malady
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le 29 mai 2015
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les jurés,
J'ai lu, ici ou là, des accusations terribles contre mon client, l'accusé Michael Mann, et contre sa dernière oeuvre en date, Blackhat, traduit dans la langue de molière par Hacker.
Blackhat serait ennuyeux.
Blackhat serait idiot.
Blackhat serait vide.
Blackhat serait laid.
Pour un peu, on accuserait Michael Mann de la crise mondiale, de la montée des prix du pétrole (ou de l'étain), de l'élection d'un président noir, et j'en passe.
Mais, mesdames et messieurs mes petits jurés chéris que j'adore tout plein, tout ceci relève du délire le plus absolu ! je m'inscrit en faux avec la plus grande véhémence contre ce tas de billevesées, fariboles et autres coquecigrues (celui-là, j'ai dû le chercher dans un dictionnaire, mais il fait classe, hein ?) !
Ces atteintes honteuses à la réputation de mon client sont la preuve d'un aveuglement massif de la part d'une grande partie de la critique face à celui qui est un des meilleurs cinéastes étatsuniens actuels, et je m'en vais vous le prouver, et pas par quatre chemins, siouplait m'sieurs-dames !
Certes, je veux bien vous concéder que Blackhat contient des facilités de scénario et des ficelles de la taille de l'amarre du Queen Mary, mais c'est parfaitement excusable vu le résultat final.
D'abord, je lis que le film est lent, ennuyeux, qu'il ne s'y passe rien.
Je répondrais à cela : si vous voulez de l'action, allez voir The Raid ! Michael Mann n'est pas un réalisateur de film d'actions, il ne l'a jamais été. C'est un réalisateur de polars, de films noirs tendus, angoissants. C'est un cinéaste pour qui l'ambiance compte plus que le spectaculaire. Les silences comptent plus que la musique tonitruante.
De ce point de départ, il ne faut surtout pas conclure que le cinéaste délaisse le rythme. Bien au contraire, rien n'est plus millimétré que le rythme d'un film de Michael Mann. Et celui-ci en est encore un bien bel exemple. Rien d'inutile, rien de superflu, rien de superfétatoire. Tout est calibré pour donner le rythme idéal. L'alternance entre scènes d'actions, scènes de tension, et scènes plus calmes est très travaillée.
Blackhat serait laid ? Qu'entends-je ? Qu'ouis-je ? Il faut une mauvaise foi extraordinaire pour ne pas remarquer que Michael Mann est un esthète. Depuis qu'il est passé au numérique, on sent qu'il fait ce qu'il veut de sa caméra.
Si je puis m'exprimer à titre personnel, mesdames et messieurs mes bien-aimés jurés, j'adore les plans typiquement "Mann", ces plans rapprochés sur un bout de visage, ces plans où on voit l'arrière de la tête du personnage, sur le côté gauche de l'écran, avec le paysage en arrière-plan. J'admire aussi ces plans où le temps semble suspendu, où l'action laisse la place à l'émotion (oui, je sais, c'est une putain de phrase toute faite à peine digne d'un présentateur d'une obscure chaîne de la TNT, mais c'est pourtant effectivement le cas). Michael Mann, l'esthète du temps suspendu.
Michael Mann, esthète de la vie nocturne, de la cité nocturne également. une fois de plus, la grande majorité du film se déroule de nuit dans une ville. L'ambiance nocturne, les néons, les couleurs, ce bleu que lui seul sait rendre splendide... Michael Mann, esthète de la nuit urbaine.
Et puis, Blackhat possède une mise en scène très travaillée. Dès les premiers plans, le cinéaste nous montre le réseau de circuits internes à l'ordinateur et rend vivant les programmes informatiques et les informations qui circulent. Mais il va plus loin que cela : le monde extérieur est filmé comme l'intérieur ; un réseau de lignes horizontales et verticales dressent l'image de circuits qui traversent les espaces et relient les personnages. Il y a si longtemps qu'on n'avait pas proposé une mise en image aussi belle de notre monde ultra-connecté. Le parallèle entre le programme dans les circuits informatiques et le criminel dans les circuits mondiaux est clairement exprimé par des choix visuels très travaillés.
Alors voilà.
Mesdames et messieurs mes très chers jurés (très chers, en effet, vu ce que vous me coutez).
Je pense avoir démontré ici que non seulement Blackhat est une réussite, mais aussi que Mann mérite sa place parmi les grands cinéastes de son pays.
je vous demanderais donc de le blanchir de toutes ces accusations fallacieuses. je ne doute pas que ce sera le cas.
Et puis, franchement, un cinéaste qui emploie une actrice aussi mignonne ne peut pas être mauvais...
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Créée
le 6 mai 2015
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