1996. J’ai 16ans. Je suis passionné d’informatique depuis déjà plusieurs années, je pirate mes jeux, je modifie l’autoexec.bat de mon PC pour qu’il puisse lancer des jeux trop gourmands pour lui, je commence à m’intéresser au hacking. Lorsque le film Hackers de Iain Softley arrive dans les bacs de mon vidéoclub, on ne peut s’empêcher avec des potes de se jeter dessus. On ne connaissait pas le film, mais un film qui parlait d’informatique, on voulait voir ça. Bientôt 30 ans plus tard, les disques durs de mon PC s’appellent encore Zero Cool, Acid Burn, ou Crash Override, en référence aux noms de hackeurs des personnages de ce film. Tout ça pour vous dire que Hackers est un film important pour moi. Je ne me souviens même plus si j’avais trouvé le film bien, mais j’ai été réellement marqué par lui, parce qu’il parlait de ce que j’aimais, malgré une vision complètement fantasque de la chose. Parce que les personnages étaient hyper cools. Parce que le hacking de grosses entreprises, parce que le petit qui va faire chier le gros, parce qu’ils étaient une forme de communauté, c’était la classe. Alors 28 ans plus tard, après revisionnage, qu’en est-il ? Eh bien on remarque plus facilement les limites d’un tel film. Mais la nostalgie fonctionne toujours à fond les ballons.
Premier film cinéma pour Jonny Lee Miller après de nombreuses apparitions dans des téléfilms et des séries, qui gagnera ses lettres de noblesse l’année suivante avec Trainspotting. Deuxième film pour Angelina Jolie après Cyborg 2 (1993) qu’on commencera à voir de plus en plus fréquemment par la suite dans des gros rôles. Un des premiers rôles également pour Matthew Lillard, qui explosera un an plus tard avec Scream. De là à dire que Hackers a été un tremplin pour ces trois jeunes malgré son énorme échec au box-office, 7M$ de recettes pour 20M$ de budget, il n’y a qu’un pas. Iain Softley est un réalisateur à la carrière intéressante, sans film réellement connu mais avec pas mal de sympathiques réussites comme Backbeat – 5 Garçons dans le Vent (1994), K-PAX (2001), La Porte des Secrets (2005) ou encore le plus intéressant qu’il n’y parait Cœur d’Encre (2008). On ne peut pas en dire autant du scénariste Rafael Moreu dont c’est le premier écrit et qui ne pondra par la suite que le scénario du catastrophique Carrie 2 : La Haine (1999) et d’un épisode de la série The Lone Gunmen (2001). Voilà pour le tour du propriétaire. L’intrigue du film est au final assez faible et on sent que Hackers cherche à parler à un public de jeunes adolescents de leur époque qui s’intéressent à l’informatique. Elle n’est là que pour mettre en avant les personnages et les mettre dans des situations dans lesquelles on pourra s’attacher à eux. Mais en termes de tension, il se rate et jamais les personnages ne sont réellement inquiétés. On sent que tout a été fait pour que le public ait un ressenti de satisfaction à la sortie du film, avec un dénouement qu’on voit venir et que quelque part, on a envie de voir car on s’est attaché aux personnages. La vision de l’informatique et surtout du piratage informatique sont très ancrés dans son époque. Autant le coup de l’utilisation du magnétophone à cassettes pour émettre des sons dans un téléphone public et passer des appels gratuits était connu et fonctionnel au début des années 90, autant le hacking pur jus et la façon dont il est décrit ici pourra faire doucement sourire ceux qui s’y connaissent un minimum dans ce domaine, bien que des spécialistes reconnus en la matière, comme Eric Corley, aient été consultants sur le film.
Tout est ici forcément simplifié / modifié / romancé pour que le grand public puisse à peu près comprendre ce que font les protagonistes, mais les personnages disent parfois des choses qui tiennent plus du n’importe quoi. Même chose pour ce qui se passe sur les écrans des ordinateurs des hackers du film. Il n’y a rien de glamour dans le hacking visuellement parlant, c’est de la ligne de code à répétition et, forcément, ça n’a rien de cinématographique. Du coup, ça nous balance des visuels très 90’s d’intérieurs d’ordinateurs avec des flux de données qui se déplacent un peu à la manière du film Tron et le résultat, bien que cliché, est malgré tout plutôt convaincant visuellement. Pourtant, ils ont quand même essayé de bien faire les choses afin que le film ne puisse pas être accusé de dénigrer ou de donner une image complètement faussée du piratage informations et des hackers avec un casting principal qui a passé du temps avec de vrais hackeurs, lors de conventions, histoire de pouvoir mieux interpréter leurs personnages. Il y a également pas mal de références à de vrais hackeurs (aussi bien sur les noms des personnages que sur certains détails du film), le site internet du film a été modifié à la sortie pour faire croire qu’il avait vraiment été hacké, et même l’affiche originale du film est pleine de références à ce domaine. Alors oui, il faut absolument que la suspension d’incrédulité rentre enjeu pour passer un bon moment et Hackers n’est clairement pas un film qui aurait pu concourir pour les Oscars (il n’en a pas la prétention), mais il va marquer des points sur le côté divertissant de ce qu’il raconte et sur ses valeurs de production. La bande son est vraiment excellente, tantôt rock, tantôt techno (coucou Prodigy) et colle parfaitement bien à la thématique informatique du film. Les personnages sont très funs. Bien que fantasques, bien que fringués n’importe comment afin de les rendre cool, ils sont clairement le point fort du film et le casting semble prendre un malin plaisir à les incarner. Et puis Angelina Jolie n’aura jamais eu autant de sex appeal que dans ce film avec ses cheveux courts et ses pantalons moulants semblent tout droit sortis d’un univers cyberpunk du genre Shadowrun. Le film est souvent drôle car il sait se moquer de lui-même, conscient de la représentation qu’il fait du hacking, et si nous aussi on ne le prend pas au sérieux, les dialogues sont plutôt funs, avec des personnages qui s’envoient régulièrement des fions qui font clairement sourire.
Pour qui a découvert Hackers à sa sortie dans les années 90, il demeure aujourd’hui un petit film empli de nostalgie éminemment sympathique, très (trop) ancré dans son époque, qui fera gentiment sourire les informaticiens devant sa vision fun du hacking.
Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-hackers-de-iain-softley-1995/