On ne s’en rappelle pas nécessairement, mais après deux Arme Fatale et trois Mad Max, Mel Gibson fut engagé par Zeffirelli pour interpréter Hamlet. Si le choix peut paraitre de prime abord incongru (à l’image de l’affiche du film, bien dans l’air du temps des blockbusters des 90’s), on prendra vite conscience que la folie du personnage sied assez bien à la verve du comédien australien, qui ne va pas bouder son plaisir.
La comparaison avec les autres adaptations, et notamment celle d’Olivier en 1948, met en valeur une volonté de séduction qui éloigne quelque peu de la dimension théâtrale : un superbe château à ciel ouvert en guise de décor, des falaises très photogéniques, et une insistance un peu plus réaliste en matière de costumes, passant d’un moyen âge un peu kitsch à une austérité plus crédible, entre tuniques de bure et modestie des insignes du pouvoir. Le texte shakespearien, bien qu’abondamment coupé (le film ne dure que deux heures et quart), est respecté à la lettre, tenant une place de choix dans la majesté de son archaïsme et la poésie métaphorique de son lyrisme.
Le véritable point commun avec la version d’Olivier réside dans cette exploitation des espaces, ici souvent sur plusieurs niveaux, pour mettre au jour les supercheries et mises en scène qui complexifient le moindre échange entre les traitres, les escrocs, les faux idiots et les vrais meurtris. L’humour, un peu plus présent, est bien servi par Gibson qui prend soin d’insister sur cette partition de la folie feinte, notamment dans la scène très réussie de la représentation théâtrale, où il occupe toutes les places simultanément : celle de spectateur, de chœur, de metteur en scène et d’acteur. De la même manière, la performance d’Helena Bonham Carter en Ophélie, plus incarnée et moins évanescente que de coutume, s’avère plutôt convaincante.
L’exercice d’équilibre entre la rugosité d’une pièce longue, ambitieuse sur le terrain philosophique et un divertissement plus abordable est atteint par Zeffirelli, qui joue autant de la présence de stars (Glenn Close qu’on a connue plus présente, mais qui s’adapte à un rôle de second plan) que de scènes plus mouvementées, comme ce combat final qui vire à une nouvelle comédie durant laquelle Hamlet joint à sa dextérité un sens aigu de la bouffonnerie. Et même si l’on sent bien que la réflexion sur la mort, l’engagement ou la vanité de toute choses est, à la faveur des coupes, un peu délaissée au profit de grandes scènes collectives et dynamiques, l’ensemble reste tout à fait honorable et peut faire fonction d’une bonne première approche pour la jeunesse qui voudrait s’initier en douceur à la mythologie shakespearienne.