Seconde des 3 adaptations shakespeariennes réalisées par Laurence Olivier, c'est le succès de Henry V qui a permis à celui-ci de porter à l'écran la tragédie du prince du Danemark. Le film suit d'assez près la trame et le texte de la pièce qui fut très tôt portée à l'écran en 1900, Laurence Olivier étant tout désigné pour tourner la version de référence ; homme de théâtre, metteur en scène et acteur, il a longtemps joué sur la scène de l'Old Vic Theater à Londres, et d'ailleurs, il a toujours été dépendant du carcan shakespearien, c'était sa limite mais aussi sa grandeur.
Sa première réalisation Henry V témoignait déjà d'une grande maîtrise dans le domaine du théâtre filmé, aussi, afin de donner un ton particulier à son film, et surtout de restituer l'ambiance particulière d'une oeuvre qu'il voulait sortir totalement du cadre théâtral, Olivier refusa de tourner en couleurs et y ajouta une dynamique très personnelle fondée sur une bonne connaissance de l'écriture filmique. Il ne fait pas oublier le théâtre et reste parfois soumis aux exigences de la scène, mais il en multiplie les pouvoirs par ceux du cinéma, comme en témoignent ces nombreux mouvements de caméra et ces travellings qui balaient les salles et corridors du château d'Elseneur. Il utilise toutes les ressources de la technique du cinéma dans des décors quasi expressionnistes, et ce refus de la couleur lui a permis d'utiliser au maximum la profondeur de champ, c'est ce qui différencie ce Hamlet des autres adaptations filmées.
Cette adaptation reste constamment fidèle à l'esprit de Shakespeare, le texte a été un peu élagué et modernisé pour le rendre plus accessible au public, et la fin modifiée, pour s'intéresser plus à un approfondissement psychanalytique du caractère d'Hamlet. Olivier s'adjuge le rôle-titre bien qu'il en ait passé l'âge, et à ses côtés, on reconnait Jean Simmons en blonde qui campe une Ophélie diaphane et touchante, Felix Aylmer remarquable en trop dévoué Polonius, ainsi qu'un jeune Peter Cushing dans le rôle d'Osric.
Un film magnifique qui se déroule dans une atmosphère saisissante, où Laurence Olivier réussit un mariage harmonieux théâtre-cinéma, très efficace notamment dans la scène du duel et la scène entre Hamlet et sa mère Gertrude, bref, un modèle d'adaptation mêlant la force du théâtre à une technique cinématographique parfaitement maîtrisée, et qui reçut de nombreux prix, dont 4 Oscars.