Les amateurs de cinéma de Hong Kong s’en sont aperçu, bien qu’il ne soit plus l’ombre de lui-même à cause d’un cinéma chinois qui l’étouffe, le ciné HK a eu ces derniers temps un petit sursaut en matière de films noirs qui prennent aux tripes avec Limbo de Soi Cheang et, dans une moindre mesure, Legally Declared Dead de Steve Yuen. Nous pourrions également citer le film posthume de Benny Chan, Raging Fire, avec Donnie Yen et Nicholas Tse. Un peu comme un corps mourant qui lâcherait ses derniers spasmes. Mais il y a un autre film neo noir qu’on pourrait rajouter à cette liste, il s’agit de Hand Rolled Cigarette, première réalisation de Kelvin Chan, un film à petit budget produit dans le cadre de l’Initiative gouvernementale pour les premiers longs métrages (Hong Kong First Feature Film Initiative) et qui a fait sensation dans pas mal de festivals. Et ça tombe bien, car c’est de lui dont nous allons parler aujourd’hui !


Hand Rolled Cigarette est un film imprégné de l’âge d’or du cinéma policier de Hong Kong. Il a été produit par Lawrence Ah Moon, le réalisateur de classiques de la fin des années 80/début 90 comme Gangs, Lee Rock 1 et 2 ou The Queen of Temple Street. Quel plaisir de revoir comme à la belle époque Hong Kong by Night, Kowloon, Temple Street, avec ses petites ruelles, sa population nocturne, ses bouis-bouis ouverts jusqu’à pas d’heure. La photographie de Rick Lau, bénéficiant de très beaux éclairages, donne à ces lieux une dimension parfois hors du temps. On a par moment l’impression de se trouver tantôt dans un Johnnie To, tantôt dans un Wong Kar-Waï. Pour un premier film, Kelvin Chan fait preuve d’une réelle assurance et Hand Rolled Cigarette est un équilibre réussi entre film noir, drame et polar, et il dégage cette agréable impression de vieille école hongkongaise, comme si Kelvin Chan avait été biberonné aux films noirs HK et qu’il avait voulu leur rendre hommage. Sa mise en scène est très soignée, avec des ambiances visuelles et différentes couleur en fonction des scènes. On sent bien que l’introduction du film se déroulant en 1996, avec son noir et blanc très austère, est là pour nous rappeler que l’histoire récente de Hong Kong aura toujours cette ligne de démarcation très nette avec la rétrocession de 1997. Les changements politiques et les retombées financières qui en ont découlé se ressentent à travers le récit de ces anciens membres de l’armée britannique coloniale, dont fait partie le héros du film, licenciés et laissés à la dérive au moment de cette rétrocession. Certes, le commentaire social du film n’est pas toujours subtil, il n’en demeure pas moins efficace à travers cette histoire qu’on pourrait qualifier de rédemption dans laquelle un ancien militaire farci de dettes, désabusé, va se mettre à aider un jeune étranger qui trempe dans des affaires peu recommandables pour récolter de l’argent afin de payer les futures études de son petit frère.


Le duo de personnages principaux est une des forces du film. D’un côté, nous avons Gordon Lam, toujours très charismatique, qui propose un jeu vraiment impressionnant, tout en retenue, avant de se laisser exploser lors du final. On aimerait le voir plus dans des premiers rôles, lui qui a souvent été abonné aux seconds rôles (bien que cela change depuis quelques années). De l’autre, nous avons le jeune Bipin Karma, un acteur d’origine népalaise né à Hong Kong qui force le respect par la maturité dont il fait preuve dès son premier rôle. Mais les seconds rôles valent également le détour et on est toujours content de revoir Chin Siu-Ho, très actif en Chine Continentale, Tai Bo, ancien acolyte et cascadeur de Jackie Chan, ou encore Tony Ho et Ben Yuen que les amateurs de bobines HK reconnaitront immédiatement. Ils brillent dans cette histoire toute en retenue, dans laquelle le réalisateur ne montre jamais la violence dans l’excès, filmant souvent à distance ou en faisant sorte que le pire se passe hors-champ. Il règne une grande tension tout le long du film, une ambiance pesante. Nous sommes dans un jeu d’attente dans lequel les personnages de Gordon Lam et Bipin Karma vont peu à peu apprendre à se connaitre, devenir amis, en essayant de trouver un moyen de sortir des problèmes dans lesquels ils se sont fourrés, jusque dans l’explosion finale, inévitable. Cet affrontement final est tout bonnement ébouriffant, très soigné, tout en plan séquence sur fond de musique de western spaghetti. L’action y est réaliste, brutale, avec une caméra qui passe de pièce en pièce en jouant avec un travelling horizontal. Une scène réalisée avec une précision d’horloger et qui ponctue de bien belle manière un premier film qui se tient du début à la fin et qui fait dire qu’il va falloir surveiller la carrière de ce jeune Kelvin Chan.


Bien que cela devienne de plus en plus sporadique, Hong Kong n’en a toujours pas fini de nous régaler avec des films noirs sortis de nulle part, avec des réalisateurs qui ont envie de faire les choses comme il le faut. Hand Rolled Cigarette en est l’exemple même.


Critique originale avec images et anecdotes : DarkSideReviews.com

cherycok
8
Écrit par

Créée

le 28 nov. 2021

Critique lue 233 fois

cherycok

Écrit par

Critique lue 233 fois

Du même critique

Barbaque
cherycok
4

The Untold Story

Très hypé par la bande annonce qui annonçait une comédie française sortant des sentiers battus, avec un humour noir, méchant, caustique, et même un côté gore et politiquement incorrect, Barbaque...

le 31 janv. 2022

22 j'aime

Journey to the West: Conquering the Demons
cherycok
7

Critique de Journey to the West: Conquering the Demons par cherycok

Cela faisait plus de quatre ans que Stephen Chow avait quasi complètement disparu des écrans, aussi bien en tant qu’acteur que réalisateur. Quatre ans que ses fans attendaient avec impatience son...

le 25 févr. 2013

18 j'aime

9

Avengement
cherycok
7

Critique de Avengement par cherycok

Ceux qui suivent un peu l’actualité de la série B d’action bien burnée, savent que Scott Adkins est depuis quelques années la nouvelle coqueluche des réalisateurs de ce genre de bobines. Mis sur le...

le 3 juil. 2019

17 j'aime

1