"Lent" (pour ceux qui n’aiment pas le film) et "poétique" (pour ceux qui l’aiment) sont les deux qualificatifs qui reviennent régulièrement dans les critiques de "Hanezu" : or il me semble que tous deux sont hors sujet, voire erronés quand on regarde vraiment le film de Naomi Kawase. "Hanezu" est en effet constitué de nombreux plans de durée assez courte, et jamais Kawase ne s’efforce de magnifier la beauté de ses paysages du "berceau du Japon", ni la vérité de ces personnages pris dans une situation des plus triviales – l’habituel triangle amoureux débouchant sur un drame – à l’aide d’artifice de mise en scène, de belles images, etc. Au contraire, Kawase filme "Hanezu" avec le regard objectif de la documentariste qu’elle est, et c’est sans doute cette objectivité méthodique et ce refus de la dramatisation qui ont dérouté le spectateur habitué aux règles du spectacle. Ce que Kawase tente de faire ici, c’est d’inscrire une histoire banale d’adultère dans une "tradition", d’abord familiale (l’évocation du drame vécu par le père de l’un des personnages), mais surtout culturelle : c’est sans doute le sens de cette légende menaçante des montagnes amoureuses qui ponctue le récit. Et c’est probablement cette inscription cosmique du récit, me semble-t-il très nippone, qui évoque je ne sais quelle poésie au spectateur occidental, alors que Kawase tente plutôt de montrer objectivement LE LIEN pérenne – et paradoxalement fragile – qu’ont ensemble les hommes, leur culture et la nature : la boue de la transformation industrielle menace (l’introduction et la conclusion du film), tout autant que l’oubli (le sens du carton final du film sur la perte des origines). Ce programme ambitieux n’est malheureusement pas complètement abouti, Kawase, par manque de confiance peut-être en elle-même ou en son spectateur, abusant un peu de procédés un peu lourds : les grondements menaçants de la légende, l’autisme exagéré des personnages, la répétition de plans suggérés comme signifiants, tout cela alourdit inutilement un film qui ne gagne notre admiration que quand il est léger. [Critique écrite en 2016]

EricDebarnot
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le 5 juil. 2016

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Eric BBYoda

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