Le plus grand mystère de "Hangman" est sans doute de savoir par quelle faille spatio-temporelle le scénario d'un aussi mauvais thriller s'est échappé des années 90 où il semble avoir été écrit pour devenir un film avec Al Pacino en 2017. Évidemment, la piste d'un petit renflouage financier facile de l'acteur n'est pas totalement à exclure mais quelques indices suggèrent tout de même que le grand Al, pourtant encore capable de belles choses avec un réalisateur digne de ce nom, est décidément accro aux rôles de flics vieillissants qui ont marqué sa carrière. Après tout, à la fin des années 2000, son addiction s'était déjà traduite par une association avec Jon Avnet dans des thrillers vraiment pas fameux ("88 minutes" et "La Loi et l'Ordre" en compagnie de Robert de Niro, victime lui aussi de maux similaires) lui permettant encore de nous rejouer une énième fois ce rôle sur grand écran. Mais, aujourd'hui, pour combler le manque, Al Pacino n'a plus d'autre choix que d'accepter des projets juste bons à alimenter le marché DTV et, comme observer un junkie en perdition est toujours quelque chose qui donne envie de se pendre, on peut dire que le bonhomme est vraiment bien tombé avec ce "Hangman" réalisé par Johnny Martin.
Au moins, la scène d'introduction ne nous ment pas sur la pitoyable marchandise qui va suivre... Une fourgonnette raye la voiture de l'inspecteur Pacino et hop, le bonhomme s'engage sans raison dans une course-poursuite mollassonne, bien trop longue, filmée n'importe comment et qui a cette forme de génie ubuesque d'aboutir sur... rien. Enfin, si, le plan d'un porte-clés qui aura sans doute de l'importance à un moment ou à un autre mais dont, pour l'instant, tout le monde se contrefiche.
Un an après ce terrible événement, le vieil inspecteur, désormais à la retraite, est contacté par son ex-coéquipier (Karl Urban, absolument épouvantable) car un tueur en série sème des corps aux quatre coins de la ville dans des mises en scène absurdes relevant d'une version grandeur nature du jeu du pendu. Affublés d'une journaliste (Brittany Snow) qui a vraiment bien choisi son moment pour faire un reportage au coeur de la police, les deux enquêteurs vont chercher à comprendre pourquoi le tueur paraît avoir une dent plus particulière contre eux en ayant inscrit leurs numéros de matricules sur la première scène de crime...
Avec, pour seul vecteur de rebondissements, un mode opératoire d'un nouveau cadavre toutes les 24 heures pour une nouvelle lettre accompagné d'indices-bonus conduisant au prochain, autant dire que le rythme de "Hangman" équivaut à une course trépidante de vieillards en déambulateurs où, entre chaque mort, le trio de personnages passe part un lot de déductions et de dialogues invraisemblables en attendant de découvrir le nouveau mort du jour (comme il reste sept lettres à découvrir, celui de Karl Urban se sentira même obligé de dire tout haut qu'il va y avoir sept autres meurtres... bien vu, inspecteur !). Al Pacino n'étant plus bon qu'à se traîner comme une limace grabataire de scène en scène pour faire quelques traits d'esprit, Karl Urban devra assurer une ou deux scènes d'action lamentables (une poursuite sans fin ni but après une potentielle suspecte notamment) afin de tenter de dynamiser vainement cette affaire aux forts relents de formol. Heureusement, les enquêteurs seront bien aidés par un tueur ayant la propension idiote de rester un temps infini sur les lieux de ses crimes, bizarrement accompagné de bruitages d'enfants fantômes (?) et apparemment prêt à tout pour se faire arrêter (il tentera tout de même une entourloupe pour s'en sortir en bout de course... mais fera immédiatement n'importe quoi après, rendant cette opération complètement inutile).
Vu que l'enquête va sérieusement piétiner comme absolument personne ne paraît s'intéresser au mot que tente de faire deviner le tueur, le film tente de gagner un peu de temps avant la révélation finale en donnant à la journaliste et à la capitaine de police incarnée par Sarah Shahi (dont la particularité d'être en fauteuil roulant est filmée comme une trouvaille de génie) un statut obligatoire de femmes en détresse pour être sauvées par les deux hommes héros de cette histoire -ben oui, la vision de la femme est aussi datée que tout le reste, on n'est plus à ça près en même temps.
Bien entendu, comme tout le monde passe son temps à ressasser le passé à travers d'interminables monologues ou flashbacks ridicules, les motivations du tueur auront un lien avec des événements bien antérieurs à l'affaire mais elles apparaîtront tellement classiques et sans intérêt pour expliquer tous ces morts que même l'auteur des faits se sentira dans l'obligation d'argumenter autour d'elles pendant dix bonnes minutes afin de les rendre crédibles. Ça ne marchera pas vraiment, d'autant plus que le final sera à l'image de tout ce qui l'a précédé, d'une mollesse impardonnable. Et l'annonce, tout aussi optimiste que ridicule, d'une potentielle suite dans les dernières secondes achèvera n'importe quel spectacteur ne s'étant pas encore pendu d'ennui jusque-là.
Raté, indigent, mou, daté... Bref, tout simplement mauvais, les qualificatifs "élogieux" ne manquent pas pour exprimer la douleur de s'être infligé cette espèce d'affreux pilote recalé d'une série policière US mainstream. Comme son personnage, Al Pacino aurait dû rester à la retraite et soigner son addiction vis-à-vis des personnages de flics âgés car, au final, il n'y a rien de bon pour lui ou pour nous qui ressort de ses ultimes tentatives de renouer avec un temps révolu.