'La qualité humaine caractéristique qui consiste à pouvoir penser'
Parce qu’elle a indiqué dans une série d’articles au New Yorker que certains leaders juifs avaient coopéré dans les pays occupés par l’Allemagne (ce qui aurait eu pour effet d’augmenter considérablement le nombre de victimes) et qu’elle n’a jamais renié son ancien mentor Heidegger, Hannah Arendt a été considérée à partir de 1963, et notamment par sa communauté, comme une intellectuelle arrogante et dénuée de sentiments.
La réalisatrice Margarethe von Trotta choisit de centrer son film sur la genèse de ces articles controversés, sur le tri naturel parmi les « proches » d’Hannah s’ensuivant, et sur l’acharnement de la philosophe à expliquer -pour les défendre- ses concepts novateurs (la conférence finale est d’ailleurs une scène particulièrement intense). Elle nous offre ainsi un modèle de femme libre, forte et courageuse, incarnée, une cigarette toujours au bord des lèvres, par l’élégante et raffinée Barbara Sukowa.
Mise en scène sobre et globalement efficace, conversations intimes touchantes et pétillantes (que ce soit avec le mari ou la meilleure amie), discours percutants et pédagogiques, ce portrait en actes est fort revigorant... voire régénérant !
Morceaux choisis
« Eichmann protestait qu'il n'avait fait qu'obéir aux ordres. Cette excuse typique des nazis montre clairement que le plus grand mal du monde est le mal accompli par des personnes insignifiantes. Par des gens qui refusent d'être des humains. »
« Je n'ai jamais dans ma vie «aimé» aucun peuple, aucune collectivité - ni le peuple allemand, ni le peuple français, ni le peuple américain, ni la classe ouvrière, ni rien de tout cela. J'aime "uniquement" mes amis et la seule espèce d'amour que je connaisse et en laquelle je croie est l'amour des personnes.»